Sécurité : Le juge judiciaire compétent pour des cages de verre en sursis

N’étant pas « usagers du service public de la justice », le tribunal de grande instance de Paris a jugé irrecevables les demandes indemnitaires d’avocats, barreaux et associations consécutivement à la « mise en place […] de box de verre sécurisés dans les salles d’audience pénale des juridictions françaises, au cours de l’été et de l’automne 2017 ». Un usager du service public de la justice a été, quant à lui, débouté pour avoir échoué à « démontrer » l’atteinte qui aurait été portée à « ses droits de la défense et à sa dignité » à l’occasion d’une comparution dans un tel box.
À l’origine de la procédure, le syndicat des avocats de France (SAF) qui dit avoir été « alerté par ses membres de l’installation au cours de l’été 2017 de cages de verre dans les salles d’audience de nombreuses juridictions » et qui a fait assigné à jour fixe la ministre la justice Nicole Belloubet et l’agent judiciaire du Trésor pour obtenir le retrait immédiat sous astreinte des « dispositifs barreaux, grillages [et] cages de verres » installés sur les box des salles d’audience des juridictions françaises ainsi qu’un euro symbolique de dommages et intérêts et une somme au titre des frais irrépétibles. Se sont joints à l’instance avec des demandes similaires, le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers, les bâtonniers et/ou conseils de l’ordre de Toulouse, Hauts-de-Seine, Rouen, Paris, Bordeaux, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Grenoble, Melun, Essonne, Dijon, Nantes, Val d’Oise, Béthune, Poitiers, Annecy, Limoges, Angers, Nîmes, Lyon, Lille, Clermont-Ferrand, Versailles, outre Me Salomé Perrier, des associations d’avocats pénalistes, de jeunes avocats ainsi qu’un détenu.
L’action étant fondée sur l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire selon lequel « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ; sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice », la juridiction judiciaire
Reste un détenu, qui avait comparu le 8 janvier 2018 devant le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse et qui s’était joint à la procédure pour réclamer le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à cette occasion dans la mesure où sa demande « aux fins d’être extrait du box dans lequel il avait été conduit » avait été rejetée malgré les dispositions des articles 5 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 318 du code de procédure pénale qui prévoient respectivement que « toute personne a droit à la liberté et à la sûreté et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas précisés par la Convention et selon les voies légales » et « l’accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader ». Une directive du 9 mars 2016
La comparution dans un box sécurisé à l’occasion d’un procès pénal déterminé n’est pas en soi « constitutive d’un dysfonctionnement du service public de la justice, ni d’une atteinte aux droits de la défense ou à la dignité du mis en cause », juge le tribunal qui considère que pour que la responsabilité de l’État puisse utilement être engagée, il faut démontrer soit que les conditions de l’article 318 et de la directive ne sont pas remplies, soit que le box utilisé « entrave l’exercice des droits de la défense ou ne permet pas une comparution digne à l’audience ». Et au cas particulier, pour le tribunal, le détenu ne démontre pas que son maintien dans le box sécurisé pendant l’audience du 8 janvier 2018 a porté « atteinte à ses droits de la défense et à sa dignité », la seule photographie communiquée et représentant la salle d’audience concernée est, souligne le tribunal, « insuffisante » outre le fait que la « réponse » du tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse à « ses conclusions demandant à être extrait du box avant d’être jugé » n’a pas été produite, ce qui ne permet pas à la juridiction parisienne d’évaluer « le caractère éventuellement fautif de son maintien ».
Cette décision semble donc satisfaire tout le monde et « le combat continue », disent en cœur le SAF et le CNB. Le SAF se félicite que son rôle de « lanceur d’alerte » ait été reconnu par cette décision qui ouvre la voie pour chaque justiciable « la possibilité d’agir en justice pour dénoncer les conditions inacceptables dans lesquelles l’institution judiciaire souhaite juger, dans la France du 21e siècle, des gens comme des bêtes, au mépris des droits fondamentaux » et en appelle à la garde des sceaux pour qu’il soit procédé sans plus attendre à la désinstallation de ce programme d’installation de « cages » qui a été momentanément « gelé ». Même son de cloche du côté du CNB qui examine « tout recours utile » et rappelle que le délai de transposition de la directive expire le 1er avril.