Stoppv : Les deux fondateurs au pied du mur ou presque

Dans la saga opposant les deux fondateurs de la défunte Stoppv.com à cinq avocats parisiens spécialistes du droit routier, la Cour de cassation vient de rendre deux brèves décisions identiques de « rejet non spécialement motivé » qui auraient dû mettre un terme aux efforts déployés par les deux jeunes gens pour se soustraire à l’astreinte prononcée en 2012 par le juge de l’urgence mais dans un ultime sursaut, ils ont saisi le juge du fond.
Créée au mois de juin 2010 par deux étudiants en droit alors âgés de 23 ans, Allan Schinazi et Yohan Dehan, la société Stoppv — dont l’objet social déclaré était « tous conseils et prestations de services en matière juridique et administrative, accomplir toutes démarches juridiques et/ou administratives pour le compte de tiers » — a été la cible, au civil et au pénal, de cinq avocats intervenant en matière de défense des automobilistes des chefs de démarchage, rédaction d’actes en matière juridique, usurpation de titre et exercice illégal de la profession d’avocat.
Au civil, par un arrêt du 14 mars 2012
L’astreinte a été liquidée par le juge de l’exécution du tribunal de Créteil à la somme de 27 000 euros pour la période du 13 avril 2012 au 9 mai 2012 et à la somme de 309 000 euros pour la période du 10 mai 2012 au 14 mai 2013 mais ramenée à 15 000 euros par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2015 pour toute la période d’avril 2012 à juillet 2013 au motif notamment que si M. Yohan Dehan et M. Allan Schinazi ne sont pas « montrés particulièrement diligents pour obéir aux injonctions de l’arrêt du 14 mars 2012, cette attitude n’est pas entièrement illégitime et trouve son explication sinon son excuse dans l’espoir où ils se trouvaient de se voir libérés de toute charge vis-à-vis des infractions qui leur étaient reprochées tant pénalement que civilement par [les consorts de Caumont], espoir réalisé au plan pénal par l’arrêt du 23 septembre 2013 ». Arrêt qui sera cassé, le 1er septembre 2016, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation pour avoir statué « selon un critère étranger aux termes de la loi » et qui doit être rejugé par la cour d’appel de Paris autrement composée.
Au pénal, en effet, « ne rapportant pas la preuve d’un préjudice personnel causé directement par les infractions objets de leur citation directe », par arrêt du 24 juin 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation
C’est sur le fondement de cet arrêt de rejet de la chambre criminelle que les deux jeunes gens vont essayer d’engager un nouveau round en saisissant la cour d’appel de Paris d’une demande de rétractation de la décision du 14 mars 2012. Une première fois par voie d’assignation qui sera jugée irrecevable, le 16 octobre 2014, faute d’avoir fourni leur adresse véritable et une seconde fois par voie de requête qui sera également jugée irrecevable, le 2 juillet 2015, pour ne pas avoir respecté le principe du contradictoire. Ce sont ces deux décisions qui viennent de faire l’objet de deux arrêts
Ultime (?) tentative, assignation du 23 juin 2016 à jour fixe pour le 10 octobre 2016 devant le tribunal de Créteil pour que soit déclaré et de nul effet l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 mars 2012 en se prévalant de « l’absence d’autorité de la chose jugée de [cette] ordonnance de référé » et que soit statué, au civil, pour la première fois, au fond.
Au fond, relève le tribunal
La condition de recevabilité au pénal, souligne le tribunal, se distingue de celle au civil qui est ouverte à toute partie « justifiant d’un intérêt lui permettant de contrecarrer des actes préjudiciables, dès lors que le périmètre de l’activité du concurrent déloyal coïncide avec le périmètre d’activité de la partie illicitement concurrencée ». Les « deux jeunes gens dynamiques et inventifs », selon la qualification qu’ils se donnent eux-mêmes et rapportée par le tribunal, sont donc déboutés de leurs demandes de mise à néant de l’arrêt précité du 14 mars 2012 au motif qu’ils ont commis « une faute d’une exceptionnelle gravité à l’encontre de la profession d’avocat ».
Un euro symbolique est accordé à chacun des cinq avocats poursuivants au titre du « préjudice pour l’atteinte à la profession d’avocat » qu’ils représentent ainsi que 20 000 euros, 4 000 euros chacun, au titre des frais irrépétibles. Appel a été interjeté le 8 juin 2017 par MM. Dehan et Schinazi contre cette décision sur le fond bien motivée du tribunal de Créteil.