Table à écrire Boulle : Rejet du second pourvoi des époux Pinault

Table à écrire en marqueterie Boulle, estampillée C.J. Dufour et J.M.E., 79 x 93 x 63 cm. Photo Daguerre.

La Cour de cassation met définitivement un terme à l'affaire dite de la table à écrire Boulle en rejetant le second pourvoi des époux Pinault à l'encontre de l'arrêt de la cour de Paris qui n'avait pas suivi la première décision de la juridiction suprême au motif que « l'installation de la marqueterie Boulle sur ce meuble d'époque Louis XVI et l'estampille C.J. Dufour constituaient son originalité [...] comme la provenance du meuble issu de la collection Salomon de Rothschild ».

C'est le 14 décembre 2001 que François et Maryvonne Pinault s'étaient portés acquéreurs, au cours d'une vente aux enchères publiques à l'hôtel Drouot, pour la somme de 7,9 millions francs [1 204 347,20 €], d'une table à écrire présentée dans le catalogue de la vente sous le numéro 120 comme étant « en marqueterie Boulle et placage d'ébène. Elle ouvre à deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze ciselé à décor de masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et feuilles, sabots feuillagés. Estampillée C.J. Dufour et JME. Époque Louis XVI. (accidents et restaurations) » et estimée entre 60 et 80 000 francs [entre 9 146,94 et 12 195,92 €].

Soutenant n'avoir acquis la table au prix de 7,9 millions francs qu'en considération de sa facture prestigieuse et que ce n'est qu'a posteriori qu'ils avaient découvert qu'elle avait été reconstituée à partir d'éléments postérieurs, les Pinault demandaient l'annulation de la vente pour i>« erreur sur les qualités substantielles ou pour vice caché ».

Déboutés par le tribunalTGI Paris, 13 oct. 2005, François et Maryvonne Pinault c/ Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et a. et la courParis, 12 juin 2007, François et Maryvonne Pinault c/ Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et a. qui les avaient condamnés à payer le principal augmenté des intérêts depuis la date d'adjudication, émoluments, frais, taxe sur la valeur ajoutée et 4 000 euros à chacun de leurs 4 adversaires (le vendeur, société de vente Daguerre, le commissaire-priseur et l'expert) au titre des frais irrépétibles en première instance et 7 000 euros chacun en appel, les époux Pinault se sont pourvus en cassation.

Et dans un premier arrêt, la première civile de la juridiction suprêmeCiv. 1ère 30 oct. 2008, n° 07-17523, François et Maryvonne Pinault c/ Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et a. va leur donner raison en censurant la cour de Paris qui bien qu'elle avait constaté que « la table avait été transformée au XIXe siècle à l'aide de certaines pièces fabriquées à cette époque [...] éléments des pieds, des chants des tiroirs, du placage du plateau du dessus et de certains bronzes », n'en avait pas tiré les conséquences appropriées dans la mesure où « les mentions du catalogue par leur insuffisance, n'étaient pas conformes à la réalité » et avaient de ce fait pu entraîner « la conviction erronée et excusable des acquéreurs que bien que réparé et accidenté ce meuble n'avait subi aucune transformation depuis l'époque Louis XVI de référence ».

Retour devant la cour de Paris autrement composée à qui les époux Pinault soumettent, à nouveau, leur demande d'annulation de la vente sur le seul fondement de « l'erreur qui aurait vicié leur consentement », ainsi qu'une demande de dommages-intérêts de 400 000 euros à l'encontre de leurs 4 adversaires. L'argumentation des Pinault repose sur la description incomplète et inexacte du meuble figurant dans le catalogue dans la mesure où il y est omis qu'elle présente « des manques, des restaurations et une transformation faite au XIXe siècle à l'aide de matériaux du XIXe inusités à l'époque de Louis XVI et à plusieurs reprises, selon un travail grossier ou peu soigné ».

Pour confirmer une seconde fois le jugement qui avait débouté les époux Pinault, la cour de ParisParis, 30 oct. 2008, n° 08/21208, François et Maryvonne Pinault c/ Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et a. retient que la description de la table à écrire, telle qu'elle figure au catalogue, ne supporte pas la critique dès lors qu'il est exactement indiqué que la marqueterie Boulle orne une table à écrire estampillée C.J. Dufour et J.M.E., d'époque Louis XVI, et que ce meuble a subi des « accidents et restaurations ». Cette mention, indique la cour, exprimée au pluriel, devant être comprise comme faisant état d'accidents et de restaurations survenus nécessairement au XIXe puisque la fin de l'époque Louis XVI coïncide, sur le plan artistique, avec les dernières années du XVIIIe siècle. Au demeurant, insiste la cour, la modicité de l'estimation était propre à introduire un aléa dans le champ contractuel et aurait dû éveiller l'attention des acheteurs.

En réalité, juge la cour, les époux Pinault se sont décidés à acquérir la table en raison de « la qualité et de l'authenticité de la marqueterie, du renom d'André-Charles Boulle, de l'estampille de Charles-Joseph Dufour et de l'origine du meuble qui provenait de la collection de la baronne Salomon de Rothschild » et c'est ce que retient la Cour de cassationCiv. 1ère 20 oct. 2011, n° 10-25980, François et Maryvonne Pinault c/ Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et a. pour rejeter le pourvoi, estimant ces « constations et appréciations souveraines » suffisantes pour justifier légalement la décision.