Commerce : Une grande surface peut envoyer des employés relever les prix de ses concurrents

En droit français, un magasin a-t-il le droit de refuser des visiteurs qui viennent relever ses prix pour les communiquer à un concurrent ? Non, a répondu cette semaine la Cour de cassation. Une telle activité est tout à fait licite et personne ne peut l'interdire.
Les faits sont très simples: nous avons donc deux grandes surfaces célèbres située sur la même zone. L'enseigne Leclerc envoie quelques "espions" à Carrefour pour relever les tarifs de certains produits. Carrefour se rend compte de ce petit manège et prend des mesures pour l'interdire. Mais la société Hyper Saint Aunès, qui exploite l'enseigne Leclerc, estime qu'elle a parfaitement le droit de connaître les prix que pratiquent les autres commerçants, et qu'elle est légitime à envoyer des employés pour faire des relevés. Elle assigne Carrefour en justice.
Un premier arrêt favorable à Carrefour
Le problème de droit est donc de savoir si les responsables d'un commerce peuvent bloquer l'accès à des visiteurs qui de toute évidence ne vont rien acheter, mais viennent au contraire dans l'intérêt de servir la concurrence, et donc de détourner des clients. Dans un premier temps, la cour d'appel estime que oui. En vertu de son droit de propriété, "la société Carrefour dispose de la faculté, sauf usage abusif de ce droit, de s’opposer à l’accès de ses magasins à des tiers, autres que des clients potentiels et donc d’interdire les relevés de prix par ses concurrents au moyen de lecteurs optiques" affirme-t-elle. La demande de la société Hyper Saint Aunès est dans un premier temps rejetée. Mais celle-ci se pourvoit en cassation. L'arrêt a été rendu mardi dernier
La Cour de cassation favorable à Leclerc
La Cour se fonde sur l’article L. 410-2 du code de commerce. Il dispose que "sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence".
Elle estime que pour que la concurrence puisse jouer, elle doit permettre que les commerçants puissent connaître les tarifs qu'ils pratiquent les uns les autres. Il faut ainsi que "les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs".
La démarche de Leclerc était donc licite. Le droit français garantit aux magasins la possibilité de s'espionner mutuellement !