Effet de levier : UBS France condamnée à payer 500 000 € à un client pour défaut de mise en garde

La filiale française de la banque helvète UBS a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris à payer à un client ayant une tolérance au risque « au niveau de plus faible de [son] échelle de mesure » la somme de 500 000 euros pour « défaut de mise en garde » en n’attirant pas son attention sur « le risque encouru ».
À la tête d’un patrimoine immobilier important en France constitué avec des emprunts en francs suisses, un mulhousien avait tout vendu en septembre 2005 et avait ainsi empoché une somme nette de 5,45 millions d’euros. Il a alors réalisé, à l’instar de plusieurs collectivités locales avec Dexia, ce qui aurait dû être une très belle « opération avec effet de levier » avec UBS France, si la parité CHF/€ avait évolué « favorablement » et si l’écart de taux entre les deux devises avait perduré.
L’opération comportait en effet, d’une part, un emprunt de 14 millions de francs suisses [9,068 M€ au cours de l’époque de 1,5439] pour une durée d’un an renouvelable 8 fois à un taux relativement faible et, d’autre part, le placement de 11,8 millions d’euros à un taux espéré nettement plus élevé dans deux contrats d’assurance-vie de 5,8 millions d’euros chacun, soit un apport personnel d’environ 2,6 millions d’euros prélevé sur le produit de la vente de son patrimoine immobilier. Les deux contrats d’assurance-vie constituant la garantie pour le prêt octroyé par la banque helvète. Un nouveau contrat de prêt a été signé en 2007 modifiant légèrement le premier signé en 2005.
Patatras, la parité CHF/€ a évolué défavorablement et l’opération va devoir être dénouée, en août 2011, à 1,1193, générant une moins-value de change de 27,50 %, et le placement de 11,8 millions d’euros ne suffit pas pour rembourser la contre-valeur de 14 millions de francs suisses. Et c’est à ce stade que M. Claude Buessler, qui se dit « inexpérimenté » et qui s’est entre-temps expatrié au Sénégal, réclame à UBS près de 5 millions d’euros pour les manœuvres dolosives et les nombreuses fautes contractuelles dont il se dit avoir été victime.
Le contrat de prêt de 2005 ayant été remboursé par celui de 2007, le tribunal
Restent la rupture brutale des relations contractuelles et le défaut de mise en gardé invoqués par M. Buessler qui fait valoir être « une personne physique non avertie lorsqu’il contracte les emprunts de 2005 et 2007, et que lui sont proposés de véritables ‘montages financiers’ ayant un caractère spéculatif ».
La banque ayant accordé un délai de 6 mois pour régulariser sa situation après l’opération de change à terme du 3 août 2011 décidée par le client et dénouant l’opération à 1,1193, le tribunal considère qu’UBS n’a fait qu’user du droit qui lui avait été conféré et n’a dès lors commis aucune faute. La juridiction consulaire retient toutefois le défaut de mise en garde pour ne pas avoir attiré « par écrit, l’attention [du client] sur le risque encouru, en raison principalement de l’évolution possible de la parité CHF/EUR susceptible d’annuler complètement l’avantage procuré par un taux d’intérêt plus faible en francs suisses qu’en euros, et même de conduire, comme dans le cas présent à une perte importante, et cela contrairement à la préconisation très explicité du Comité du crédit de la banque ». À ce titre, M. Buessler obtient des dommages-intérêts équivalents aux 500 000 euros que la banque avait facturé à titre de commissions mais cela ne couvre même pas les quelque 650 000 euros qu’il reste devoir à la banque et auxquels il a été condamné, outre les intérêts.
M. Buessler va interjeter appel de cette décision, annonce son avocat dans un communiqué, Me Johann Lissowski. « En condamnant UBS pour avoir manqué à son obligation de mise en garde, explique Me Lissowski, le tribunal a reconnu que son client était un profane, non averti, et donc n’est nullement un investisseur professionnel en capacité de comprendre toute la complexité de l’opération et d’anticiper toutes ses possibles conséquences ».