C'est en septembre 2008 que la société le journal du Sport avait annoncé le lancement de le 10Sport.com, un quotidien sportif en couleurs de 24 pages à dominante footballistique, vendu à 50 cents d'euro avec pour cible « les hommes de moins de 50 ans » et le premier numéro devait être mis en vente le 3 novembre 2008. Deux semaines après cette annonce, le groupe Amaury, propriétaire notamment des journaux l'Équipe, le Parisien et Aujourd'hui en France, a annoncé à son tour le lancement d'un nouveau quotidien sportif baptisé Aujourd'hui Sport avec un positionnement (format, prix, ligne éditoriale, lectorat) identique à celui de le 10Sport.com avec un lancement également programmé pour le 3 novembre 2008.

Reprochant au groupe Amaury des pratiques commerciales déloyales, des stratégies de dénigrement, des pressions exercées sur les annonceurs et une pratique d'éviction, la société le journal du Sport a saisi l'Autorité de la concurrence dès le mois de décembre 2008 mais les nombreux documents saisis, en mai 2009, par les agents de l'Autorité de la concurrence lors de perquisitions dans plusieurs locaux du groupe Amaury ont fait l'objet de contestations par le groupe Amaury et ce n'est qu'en septembre 2012, lorsque la cour d'appel de Paris confirmera la régularité des opérations de visites et saisies, que les pièces recueillies ont pu être utilisées dans le cadre de l'instruction.

Les notes, documents et tableaux perquisitionnés attestent, selon la décisionAut. conc., 20 févr. 2014, n° 14-D-02, décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la presse d'information sportive. non définitive qui fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris, que le groupe Amaury a bâti un plan, dénommé « Projet Shangaï »destiné à « Tuer 10Sport ». Il était ainsi envisagé trois scenarii de riposte au lancement de 10 Sport.com : ne pas réagir, créer un nouveau quotidien ou la refonte du journal l'Équipe. Pour chaque hypothèse, le groupe Amaury avait établi des plans d'affaires évaluant les coûts et les bénéfices attendus en termes financiers et de diffusion.

Pour le gendarme de la concurrence, en lançant un nouveau journal, le groupe Amaury a choisi un scénario de riposte qui ne représente pas « l'option la plus rentable » pour le groupe Amaury mais « l'option la plus préjudiciable » pour le 10Sport.com, que ce soit en termes de lectorat ou en termes financiers. Ce choix n'était pas jugé « rationnel » d'un point de vue économique pour le groupe Amaury puisqu'il générait un sacrifice financier important du fait de« l'effet de cannibalisation des ventes de l'Equipe » par le nouveau quotidien.

L'instruction a en outre démontré qu'aucune projection n'avait été réalisée au-delà de 14 mois après le lancement. La présidente du groupe, interrogée par la presse le 7 novembre 2008 au sujet de l'avenir d'Aujourd'hui Sport avait d'ailleurs indiqué, rappelle l'Autorité de la concurrence, qu'il serait « sans doute » appelé à disparaître en cas d'arrêt de son concurrent. Et effectivement, l'arrêt en juin 2009 du quotidien Aujourd'hui Sport est intervenu après celui du 10Sport.com en mars 2009 transformé en hebdomadaire.

La stratégie mise en œuvre par le groupe Amaury, considère l'Autorité, a capté une partie des lecteurs du 10Sport.com, diminué ses ventes et son résultat opérationnel, ce qui a conduit in fine à l'arrêt de l'activité du quotidien et ayant atteint l'objectif qu'il s'était fixé, le groupe Amaury a permis à son journall'Équipe de retrouver sa place de monopole dans le secteur de la presse quotidienne d'information sportive.

Pour arrêter la sanction à la somme de 3,5 millions d'euros à l'encontre du groupe Amaury, l'Autorité de la concurrence dit avoir pris en compte la gravité de la pratique, le dommage causé à l'économie mais également la situation particulière du groupe Amaury dont les filiales presse rencontrent actuellement des difficultés financières.

La société 10 Médias a annoncé, le 30 juin 2014, avoir assigné le groupe Amaury devant le tribunal de commerce de Paris pour lui réclamer 18,2 millions d'euros de dommages et intérêts pour ces pratiques anticoncurrentielles qui ont entraîné « la disparition de son quotidien sportif le 10Sport.com ». La décision de l'Autorité de la concurrence a par ailleurs été soumise à la censure de la cour d'appel de Paris par le groupe Amaury.