Manipulation de cours : L'AMF sanctionne un particulier et Bourse Direct

Bourse Direct.

La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé à un particulier et à la société Bourse Direct des sanctions pécuniaires d'un montant de 75 000 et 250 000 euros respectivement aux motifs que le premier s'était livré à des manipulations de cours et que la seconde ne disposait pas d’une fonction « conformité ayant les ressources et l’expertise nécessaire à l’exercice de sa mission » qui aurait permis de détecter les opérations suspectes.

C'est depuis le début des années 2000 que Jean-Marie Puccio « jouait » quasi quotidiennement en bourse et intervenait plus particulièrement sur les titres de petites capitalisations (Lexibook Linguist, Groupe Partouche, St Dupont, Lacie, Euro Ressources, Belvédère, Rodriguez Group, Diagnostic Medical, La Perla World, Visiodent, Avenir Telecom, Groupe Arès, Nicox, Artprice.com, Riber, Bci Navigation, Geci International, Archos, Theolia, Avanquest Software, Cerep, Hubwoo, Genoway, 1855, Adverline, Poncin Yachts, Bull, Holosfind, Atari, Euro Disney, Biosynex, Dalet, Sinclair, Oxis International) selon un mode opératoire récurrent, achetant et revendant les titres au cours de la même journée sans conserver la moindre position à la clôture.

Le mode opératoire consistait, selon cette décision rendue mercredi, à d'abord relever un léger mouvement haussier momentané sur des valeurs volatiles (phase 0) à la suite duquel, dans un premier temps, M. Puccio achetait des titres (phase 1) en saisissant des ordres d'achats dits « agressifs » immédiatement exécutés qui permettaient de provoquer un décalage de la fourchette« meilleure demande - meilleure offre » à la hausse, entretenant ainsi le mouvement de hausse initial. Dans un second temps (phase 2), des ordres passifs d'achat de taille importante étaient entrés dans le carnet aux meilleures limites à l'achat et, enfin, dans un troisième temps (phase 3), il saisissait des ordres de vente pour céder les titres acquis en phase 1, bénéficiant de la hausse du cours d'un ou plusieurs pas de cotation entretenue lors des phases 1 et 2. Ses ordres de ventes étaient exécutés, explique le gendarme de la bouse, grâce à la liquidité apportée à l'achat par d'autres investisseurs et il pouvait alors annuler les ordres d’achat passifs qu’il avait placés dans le carnet en phase 2.

Les ordres d’achat passifs pouvaient représenter un montant supérieur ou égal à l’ensemble du patrimoine du mis en cause, en ce compris sa résidence principale et la Commission a estimé que ces ordres — systématiquement annulés à la suite des ventes en phase 3 — n’étaient pas passés dans l’intention d’être exécutés et étaient susceptibles, par leur nombre et leur volume, « de donner des indications fausses ou trompeuses sur la demande des instruments financiers en question », il s'agit de la technique dite de « layering »Technique consistant à placer une série d'ordres d'achat jusqu'à un palier et de créer ainsi des couches (layers) d'ordres. Une fois le palier désiré atteint, la stratégie consiste alors à vendre massivement et dans le même temps à annuler tous les ordres d'achats non exécutés. Le layering repose sur l'espoir d'un remplissage du carnet d'ordres à l'achat par les autres intervenants venant combler l'écart, puis de les surprendre en inversant la tendance. qui a été considérée comme une manipulation de cours en application de l'article 631-1, 1° du règlement général de l’AMF, M. Puccio ayant « travaillé » 30 valeurs différentes au cours de 202 séquences pour un profit net d'environ 311 000 euros. Les avis donnés sur certaines valeurs sur Boursorama n'ont, en revanche, pas été retenus comme constitutifs d'un second manquement de manipulation de cours.

C'est en considération de la situation financière actuelle fort précaire de M. Puccio que la Commission a limité la sanction pécuniaire à seulement 75 000 euros. Il a par la suite subi de très grosses pertes et « il est retourné vivre chez ses parents et ne perçoit que le RSA », peut-on lire dans la décision. « Ce n’est pas la première fois et cela arrive plusieurs fois par an » qu'un particulier est sanctionné, a déclaré à LexTimes.fr la directrice de la communication de l'AMF, Florence Gaubert.

Quant à la société Bourse Direct, la Commission a constaté un manque de moyens dévolus à l’analyse fiable et efficiente des alertes de manipulation de cours ainsi qu'un défaut de formalisation et de traçabilité desdites analyses car, en dépit d'une multitude d’alertes paramétrées, elle n'a pas été en mesure de les traiter efficacement. Malgré l’accroissement d’activité significatif (+26 %) qu’a connu la société Bourse Direct en 2011, accompagné d’une nette augmentation de son résultat (+42,9 %), la fonction de contrôle permanent, relève la Commission, n’a été « renforcée qu’en fin d’année 2011 en moyens humains et en fin d’année 2012 en moyens informatiques », ce qui lui vaut une sanction pécuniaire de 250 000 euros qui est supérieure aux réquisitions du Collège de l’AMF.