Trading HF : Sanction de 5 M€ pour Euronext dans le dossier Madison Tyler

Euronext, Paris.
Euronext.

Décision exemplaire de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui a infligé une sanction pécuniaire de 5 millions d’euros à la plateforme Euronext Paris pour ne pas avoir respecté l’obligation « d’exercer ses activités avec neutralité et impartialité, dans le respect de l'intégrité du marché » dans le cadre du manquement de « manipulation de cours et méconnaissance des règles de marché » reproché à la société Virtu Financial Europe qui écope, elle aussi, d'une sanction de même montant.

Virtu Financial Europe (ex-Madison Tyler Europe) est une société de trading à haute fréquence et à l’époque des faits, en 2009, elle opérait pour compte propre sur Euronext et sur quatre plateformes alternatives de négociation. Sa stratégie consistant à identifier le meilleur prix affiché pour un titre sur une plateforme, le plus souvent Euronext, à placer ensuite quatre ordres passifs à un cours légèrement différent sur quatre autres plateformes et, dès exécution de l’un des ordres, donnant lieu à la réalisation d’une plus-value égale à la différence de cours, à annuler les trois ordres restants. Ces interventions étaient effectuées, selon cette décision rendue le 4 décembre 2015 susceptible d'appel,« en quelques millisecondes et l’algorithme de Madison Tyler Europe entrait et annulait des ordres en permanence sur les différents carnets d’ordres, en fonction de l’évolution des meilleurs prix affichés ».

L'analyse par le gendarme de la bourse du fonctionnement de l’algorithme utilisé et l'examen des effets sur le marché de 27 titres du CAC 40 ont permis de constater que l’activité de Madison Tyler Europe se caractérisait par un nombre extrêmement élevé d’interventions (entrées, modifications et annulations d’ordres), représentant 62,7 % des interventions et 2 % des transactions sur Euronext Paris, qui étaient extrêmement rapides avec une durée de vie de ses ordres extrêmement brève (66 % de ses ordres duraient moins d’une seconde et 25 % moins de 10 millisecondes sur Euronext Paris).

La multiplication des ordres annulés avant leur exécution, particulièrement aux meilleurs prix affichés, avait altéré, selon la Commission des sanctions, la représentation des carnets d’ordres pour les participants au marché au sens du 6° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF, notamment « en raison du décalage temporel avec lequel les autres intervenants étaient informés de ces ordres, une part significative de ceux-ci n’existant déjà plus ». Ces modalités d’intervention avaient permis à Madison Tyler, poursuit la Commission, de s'assurer « une position dominante sur les plateformes Euronext Paris, BATS, CHI-X et Turquoise pour les 27 titres en cause » ayant pour effet la création de conditions de transaction inéquitables pour les autres intervenants au sens du point a) de l’article 631-1 du règlement précité.

Si, certes, ni la stratégie d’arbitrage de Madison Tyler Europe en elle-même, ni sa qualité de trader à haute fréquence n’étaient en cause, la Commission des sanctions considère néanmoins que les modalités d’intervention, « massives et extrêmement rapides », dans les carnets d’ordres de 27 titres avaient « donné ou avaient été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande de ces instruments financiers », outre un manquement à l'article 8105/1 des Règles de marché d’Euronext, qui interdit aux membres de marché « d'adopter un comportement qui pourrait causer une dégradation du service ou empêcher un fonctionnement ordonné du marché », y compris « la soumission [...] excessive de messages électroniques ou requêtes à la Plate-forme de Négociation d'Euronext ».

Pour ce qui est de la plateforme Euronext Paris elle-même, la Commission des sanctions lui reproche d'avoir accordé à Madison Tyler Europe une exemption des pénalités applicables en cas de dépassement du ratio entre le nombre d’ordres passés et le nombre de transactions exécutées pour un même titre sur une même journée, alors fixé par Euronext à 100 pour 1.

En accordant cette exemption, « en dehors de tout programme prédéfini, de manière non publique alors qu’elle avait annoncé à ses membres qu’aucun Apporteur de Liquidité ne pouvait intervenir sur les titres sur lesquels a pu intervenir Madison Tyler Europe, sans contrepartie, sans limitation de durée et en définitive pour une durée de seize mois », pour le gendarme de la bourse, Euronext n’a pas exercé son activité « avec neutralité et impartialité, dans le respect de l’intégrité du marché ».