Ventes à découvert : Deux sociétés offshore lourdement sanctionnées par l'AMF

La formation plénière de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a dû s’y prendre à deux fois pour sanctionner deux sociétés offshore qui avaient vendu plusieurs millions de titres Natixis à découvert lors de l’augmentation de capital qui s’était déroulée en septembre 2008, au moment même où faisait faillite la banque américaine Lehman Brothers.

Une première décision rendue le 16 avril 2012 par la Commission sanctionnant ces deux sociétés, Compagnia Internacional Financiera (CIF) basée aux Îles vierges britanniques et Coudree Capital Management (CCM) basée aux Îles Caïmans, a été annulée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 octobre 2013 pour méconnaissance des dispositions de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales car les mises en cause n’avaient pas été en mesure d’exercer leur droit de récusation d’un membre de la Commission dont « il avait été indiqué […] qu’il serait remplacé [mais] avait finalement siégé lors de la séance de la Commission des sanctions […] ».

Cette seconde décision rendue le 6 octobre 2014 par la formation plénière intervient donc après un très long périple procédural et sanctionne CCM à hauteur de 2,5 millions d’euros pour avoir vendu à découvert 4,32 millions titres Natixis ayant généré une plus-value de 2,16 millions d’euros et CIF à hauteur de 1,9 million d’euros pour avoir vendu à découvert 3,75 millions titres Natixis ayant généré une plus-value de 1,47 million d’euros.

En l’espèce, Natixis avait annoncé, par un communiqué du 4 septembre 2008, le lancement d’une augmentation de capital de 3,7 milliards d’euros avec maintien du droit préférentiel de souscription (DPS) par émission de 1,64 millions d’actions ordinaires nouvelles à 2,25 euros chacune sur base de 13 nouvelles pour 10 existantes, soit une valeur théorique du DPS de 2,03 euros pour un cours de clôture la veille de 5,84 euros. La période de souscription était fixée du 3 au 18 septembre 2008 et un règlement-livraison des actions nouvelles prévu pour le 30 septembre. La faillite de la banque Lehman Brothers, provoquant d’intenses mouvements spéculatifs sur les marchés, a, elle, eu lieu le 15 septembre.

C’est dans ce contexte que CCM a vendu à découvert, les 18 et 19 septembre, 4,32 millions actions Natixis qu’elle n’a pu livrer à J +3 comme l’impose la réglementation et a acheté, le 18 septembre, 5 millions de DPS qui ne sont devenus des actions que le 30 septembre, sans parvenir à emprunter sur le marché les titres entre les deux dates pour couvrir sa position. Même configuration pour CIF qui a vendu à découvert 3,75 millions d’actions Natixis et a acheté 6 millions de DPS.

Le dossier n’est sans doute pas clos car les deux hedge funds pensaient en avoir terminé avec cette affaire après l’arrêt d’octobre dernier de la cour d’appel de Paris et ont fait plaider l’autorité de la chose jugée mais l’AMF considère que cet arrêt n’a annulé que l’ « acte administratif unilatéral » du 16 février 2012 et non la procédure de sanction suivie antérieurement, justifiant en outre la reprise de procédure par un précédentCE, 6ere ss-sect., 30 déc. 2011, n° 335621, Rémy A. validé par la Haute juridiction administrative.