Vices cachés : Délai de prescription suspensif de 2 ans et délai « butoir » de 20 ans

La Cour de cassation met en place une solution unique pour les vices cachés.
La Cour de cassation met en place une solution unique pour les vices cachés.

La chambre mixte de la Cour de cassation a rendu vendredi quatre arrêts distincts concernant le délai de prescription et le délai « butoir » de l’action en garantie des vices cachés qui protège aussi bien l’acquéreur particulier que professionnel à l’encontre du vendeur — professionnel ou occasionnel — qui doit lui livrer un bien exempt de tout vice susceptible de compromettre l’utilisation qui en était prévue.

Dans la première affaire, il s’agissait d’un producteur de pulpe de tomate qui avait commandé des poches de conditionnement pour cet aliment. Plusieurs clients ont constaté un gonflement de ces poches, à l’origine d’une détérioration de la pulpe de tomate et une expertise judiciaire a conclu à un défaut de fabrication. Le producteur a ensuite assigné le vendeur de poches et son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les juges du fond ont retenu que les poches étaient effectivement affectées d’un vice caché et le producteur de poches et son assureur ont formé un pourvoi en cassation.

Dans la seconde, un véhicule acheté d’occasion est tombé en panne et une expertise judiciaire a conclu à un défaut de fabrication. L’acquéreur a ensuite agi en réparation contre le fabricant, sur le fondement de la garantie des vices cachés.  Les juges du fond ont condamné le fabricant à verser une indemnisation et soutenant que l’action en garantie était prescrite, le fabricant a formé un pourvoi en cassation.

Dans la troisième, un véhicule acheté d’occasion est également tombé en panne et une expertise judiciaire a aussi conclu à un défaut de fabrication. L’acquéreur a agi à la fois contre le revendeur du véhicule d’occasion, le fabricant et son assureur. Les juges du fond ont jugé que l’action de l’acquéreur contre le fabricant était prescrite, condamné le revendeur à indemniser l’acquéreur, et condamné le fabricant à garantir intégralement le revendeur. C’est le fabricant qui a formé un pourvoi en cassation.

Et, enfin, dans la quatrième affaire, un producteur agricole avait confié à un constructeur la couverture d’un bâtiment. Ce dernier s’est approvisionné en plaques de fibrociment auprès d’un fournisseur lequel a commandé les plaques chez un fabricant. La société agricole a remarqué l’existence d’infiltrations dans la toiture du bâtiment, confirmées par une expertise judiciaire. La société agricole a ensuite assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de son préjudice. Le constructeur a appelé en garantie le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés. Un tribunal de commerce a condamné l’entrepreneur à indemniser le producteur agricole et écarté les demandes en garantie du constructeur à l’égard du fournisseur et du fabricant. La cour d’appel a condamné le fournisseur et le fabricant à garantir le constructeur des condamnations prononcées à son encontre. La chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. La cour d’appel chargée de rejuger l’affaire a estimé prescrite l’action du constructeur et c’est donc ce dernier qui a formé un pourvoi en cassation.

Les deux questions soulevées par ces quatre affaires, soumises à la chambre mixte composée des trois chambres concernées, portaient, d’une part, sur l’effet suspensif ou non d’une mesure d’expertise sur le délai de deux ans pour engager la procédure à compter de la découverte du défaut et, d’autre part, si le délai de deux ans est lui-même encadré dans un second délai « butoir » qui s’écoule à compter du premier jour de la vente du bien.

S’agissant de la première question, la juridiction suprêmeCh. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10763, 21-15809, 21-17789 et 21-19936. dit pour droit que le délai de deux ans prévu pour intenter une action en garantie des vices cachés d’un bien vendu est « un délai de prescription » qui peut être « suspendu », en particulier lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée. Et quant à la seconde relative au délai « butoir », il est dit pour droit que l’action doit être engagée dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien. La Cour de cassation consacre ainsi l’existence d’un délai butoir de 20 ans qui assure un « équilibre » entre « la protection des droits des consommateurs » qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’il découvre tardivement un vice caché et les « impératifs de la vie économique » qui imposent que l’on ne puisse pas rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un fabricant.