Liberté d'expression : Salope fascisante oui, excrément non

Affiche Charlie Hebdo, 4 janv. 2012.
Affiche Charlie Hebdo, 4 janv. 2012.

La chambre criminelle de la cour de cassation considère que l’affiche de Charlie Hebdo présentant le slogan « Le Pen, la candidate qui vous ressemble » au-dessus d’un excrément excède « les limites admissibles de la liberté d’expression » mais, en revanche, dans un autre arrêt rendu le même jour, juge que le terme de « salope fascisante » utilisé par Nicolas Bedos dans un article publié dans Marianne n’est pas excessif.

Dans la première affaire, il s’agit d’affiches parodiques publiées dans le premier numéro de 2012 de Charlie Hebdo concernant les candidats à l’élection présidentielle et celle visant Marine Le Pen présentait le slogan « Le Pen, la candidate qui vous ressemble » au-dessus d’un excrément qui avaient été diffusées, le 7 janvier 2012 dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché ».

Déboutée de sa plainte du chef d’injure publique par les juges du fondParis, ch. 2-7, 2 avril 2015, Marine Le Pen c/ Rémy Pflimlin et Laurent Ruquier. qui, après avoir relevé que l’affiche litigieuse avait été diffusée au cours d’une séquence destinée à présenter « les dessins satiriques et parodiques qui avaient été publiées quelques jours auparavant dans le journal Charlie Hebdo, représentant les candidats à l’élection présidentielle », avaient notamment estimé que, même si elle est « particulièrement grossière », il ne peut pour autant être considéré qu’il s’agit « d’une attaque purement personnelle destinée à porter atteinte à sa dignité, en tant que femme, alors que le téléspectateur comprend nécessairement qu’elle est visée en tant que candidate à l’élection présidentielle », Mme Le Pen s’étant pourvue en cassation en estimant que l’affiche la représentant excédait « les limites de l’humour par son outrance et sa grossièreté excessives ».

Censure de la chambre criminelle de la cour de cassationCrim. 20 sept. 2016, n° 15-82942, Marine Le Pen c/ Rémy Pflimlin et Laurent Ruquier. qui juge que, même en la visant en sa qualité de personnalité politique d’une séquence satirique de l’émission de Ruquier, le dessin et la phrase litigieux dépassent « les limites admissibles de la liberté d’expression ».

Dans la seconde affaire qui se déroule à la même période et qui est jugée le même jour par la haute juridiction, il s’agit d’un texte de Nicolas Bedos intitulé « Un homme en solde » et publié dans l’hebdomadaire Marianne du 14 janvier 2012 dans lequel il est fait référence à Marine Le Pen :

« La droite entend ainsi lutter contre la montée de l'extrême droite. “Ne laissons pas le terrain à Marine, la VRAIE méchante” [...]. Sauf que personne n'empêchera quelques idéalistes rigides de penser qu'à force de singer la salope fascisante celle-ci est déjà au pouvoir : [...] on l'appelle Claude Guéant. »

Déboutée également par les juges du fondParis, ch. 2-7, 18 mars 2015, Marine Le Pen c/ Maurice Szafran  et Nicolas Bedos. qui avaient estimé qu’il convenait de re-situé le terme dans « le contexte d’un billet d’humeur de nature incontestablement politique qui ne vise pas [Mme Le Pen] à titre principal mais Claude Guéant, qui au demeurant, n’est pas mieux traité […] l’injure alléguée intervient dans le cadre d’une polémique politique qui justifie les franchises […] », Mme Le Pen s’était également pourvue en cassation en considérant que « le contexte polémique politique dans lequel [le texte] s’inscrit n’est pas de nature à faire disparaître son caractère outrageant ».

Certes, outrageants, dit la même chambre de la cour de cassationCrim. 20 sept. 2016, n° 15-82944, Marine Le Pen c/ Maurice Szafran et Nicolas Bedos. mais exprimant l’opinion de leur auteur sur « un mode satirique, dans un contexte politique, au sujet des idées prêtées au responsable d’un parti politique », les propos litigieux ne dépassent pas « les limites admissibles de la liberté d’expression ».