Liberté d'expression : Un article de Psiram jugé "malveillant"

Les condamnations pénales échappent « à la sphère protégée de la vie privée » à la condition que leur rappel « ne soit pas fait avec malveillance » et réponde « aux nécessités de la liberté d’expression », a jugé la chambre civile de la presse du tribunal de grande instance de Paris, à l’occasion de deux arrêts anonymisés de 2010 et 2012 de la Cour de cassation mis en ligne par le site psiram.com.
L’auteure de l’article jugé « malveillant » est condamnée
Dénommée Esowatch jusqu'en juillet 2012, Psiram.com est une plateforme créée en 2007 basée sur MediaWiki, ses créateurs et propriétaires sont inconnus et elle comprend environ 4 000 entrées critiques — à la Mediapart ou Cash Investigation — rédigées principalement en allemand (3 325 articles) et, dans une moindre mesure, en français (511), anglais (114), italien (21) et grec (14), par des contributeurs tous anonymes, sur « l'ésotérisme, les théories du complot et la pseudoscience ».
Au cas particulier, est en cause une page consacrée à « un français né en 1954, qui vend depuis 1994 des produits, introduits frauduleusement en France, qu'il qualifie de compléments alimentaires et de suppléments nutritionnels, mais dont une grande partie répond à la définition et à l’usage de médicaments » et sa présentation est suivie de ses démêlés judiciaires illustrés, sur une dizaine de pages, par la reproduction intégrale de deux arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation et disponibles sur legifrance.fr, l'un, le 13 juin 2012 et, l'autre, 21 septembre 2010.
Le premier
Si tout un chacun a droit, quelle que soit sa notoriété, au respect de sa vie privée, rappelle le tribunal dans ce jugement, ce droit doit se concilier avec le droit à la liberté d'expression lorsque les faits entrent dans le champ de l'intérêt légitime du public justifiant une publication en raison du droit du public à l'information mais « si, en principe, les condamnations prononcées par les juridictions pénales qui sont rendues publiquement échappent de ce fait à la sphère protégée de la vie privée, c'est à la condition, considère le tribunal, que ce rappel ne soit pas fait avec malveillance et réponde aux nécessités de la liberté d'expression ».
En l'espèce, relève le tribunal, l'obligation d'anonymiser les décisions de justice qui s'impose aux bases de données ne peut être opposée à l'auteure de l'article et les éléments d'état civil (nom, prénoms, âge, nationalité,...) ne font pas partie de la sphère privée ni le fait d'avoir « vendu depuis 1994 des produits, introduits frauduleusement en France » ou la reproduction de décisions de justice rendues publiquement.
Cela dit, l'évocation et la reproduction de ces décisions de justice d'une certaine ancienneté à la suite d'une page spécialement dédiée, poursuit le tribunal, lève l'anonymat sans « alimenter le débat sur la santé et les compléments nutritionnels d'aucun élément nouveau » et peut apparaître mue par une certaine malveillance qui est sanctionnée mais il ne s'agit que d'une décision de première instance qui n'est pas peut-être pas définitive. La page litigieuse n'a d'ailleurs pas (encore) été supprimée malgré l'injonction sous astreinte en ce sens.
S’il a en effet déjà été jugé que la mise en ligne d’un jugement peut constituer le délit de diffamation prévu et réprimé par l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lorsqu’elle est faite « avec malveillance pour donner à la condamnation une publicité particulière et supplémentaire » en insinuant, par exemple, qu’un avocat condamné pour « violences peut être considéré comme un délinquant »