Affaire INA-Spedidam : Exploitation de l’œuvre sous une forme nouvelle

La feuille de présence signée par les interprètes-musiciens constitue un contrat conclu avec le producteur entrant dans les prévisions de l’article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle et l’Institut national audiovisuel (INA) n’a pas à solliciter une autorisation pour l’exploitation de l’œuvre sous une forme nouvelle, a jugé l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
Créé par la loi du 7 août 1974, l’INA est un établissement public à caractère industriel et commercial « chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national », il détient les droits et responsabilités des producteurs télévisuels publics successifs et notamment de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) qui a produit et diffusé, en 1968, une représentation télévisée de la comédie-ballet « Le Bourgeois gentilhomme », texte de Molière, musique de Lulli.
L’INA a envisagé, en 1999, d’exploiter cette œuvre sous forme de vidéogramme, puis en a cédé les droits exclusifs de commercialisation sous cette forme, et l’œuvre a été éditée en 2003 et c’est à cette occasion que la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam), dont la vocation est la perception et à la répartition des droits des artistes-interprètes, a estimé qu’une rémunération était due à ses sociétaires à raison de cette fixation de l’œuvre sur un support nouveau et a réclamé le paiement des sommes dues à chacun des musiciens ayant contribué à l’enregistrement de sa partie sonore.
Par un arrêt confirmatif, la cour d’appel de Paris a débouté la Spedidam de ses demandes aux motifs que « l’accompagnement musical n’est aucunement séparable de l’œuvre audiovisuelle mais en est partie prenante, dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d’images et constituer ainsi la bande-son de l’œuvre audiovisuelle » et que « la feuille de présence signée, lors de l’enregistrement, par chacun des musiciens constitue un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle emportant l’autorisation, au bénéfice de ce dernier, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète ».
Dans un premier arrêt, la juridiction suprême a cassé, au visa des articles L. 212-3 et 212-4 du code de la propriété intellectuelle, cette décision en considérant que « ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle le contrat souscrit par chacun des interprètes d’une composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l’œuvre audiovisuelle »
L’article L. 212-3 dispose en effet que « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image ; cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 212-6 du présent code » et, selon l’article L. 212-4 « la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète ; ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre », la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, dont sont issus les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, étant applicable à l’exploitation de toute œuvre audiovisuelle après le 1er janvier 1986, même si cette dernière a été réalisée avant cette date, de sorte que leur articulation était bien l’objet du débat, peu importe que le contrat ait été conclu en 1968.
Désignée comme juridiction de renvoi après cassation, la cour d’appel de Lyon, s’est rebellée en retenant, à l’instar de la cour de Paris et par des motifs identiques, que le contrat conclu entre l’ORTF et les musiciens d’orchestre l’avait été « pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle », précisant que la feuille de présence signée par les musiciens-interprètes indiquait que l’enregistrement était destiné à être utilisé pour la bande sonore de l’œuvre audiovisuelle en cause, que celle-ci était réalisée par le « service de production dramatique » de l’ORTF en vue d’une diffusion à la télévision et que les musiciens étaient informés que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation de cette œuvre audiovisuelle.
Second pourvoi de la Spedidam dans cette affaire qui a alors fait l’objet d’un examen par l’assemblée plénière en application de l’article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire et qui le rejette