Barreau d’Athènes : Compatibilité de la qualité de moine et de la profession d’avocat

Barreau d'Athènes

La législation grecque interdisant à un moine ayant la qualité d’avocat dans un autre État membre de s’inscrire au barreau, en raison de l’incompatibilité entre sa qualité de moine et la profession d’avocat, est contraire au droit de l’Union, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne.

Ayant acquis la qualité professionnelle d’avocat à Chypre, un moine du monastère de Petra, situé à Karditsa, en Grèce, monachos Eirinaios, le moine Irénée, avait sollicité, le 12 juin 2015, son inscription, auprès du barreau d’Athènes (Dikigorikos Syllogos Athinon, DSA), au registre spécial en tant qu’avocat ayant acquis cette qualité professionnelle dans un autre État membre. Le DSA ayant rejeté cette demande sur la base des dispositions nationales relatives à l’incompatibilité entre l’exercice de la profession d’avocat et la qualité de moine, en estimant que ces dispositions s’appliquaient également aux avocats souhaitant exercer en Grèce sous leur titre professionnel d’origine, le moine Irénée a contesté cette décision devant le Conseil d’État grec (Symvoulio tis Epikrateias).

C’est ainsi que le Symvoulio tis Epikrateias a interrogé à la Cour de justice quant à la conformité au droit de l’Union de l’interdiction d’inscrire un moine de l’Église de Grèce en tant qu’avocat dans les registres de l’autorité compétente d’un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, pour y exercer la profession d’avocat sous son titre professionnel d’origine.

Interprétant la directive 98/5/CEDirective 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, J.O.UE 1998, L 77, p. 36. qui a pour objet de « faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle », la CourCJUE, 7 mai 2019, n° C-431/17, Monachos Eirinaios c/ Dikigorikos Syllogos Athinon. rappelle que la directive institue « un mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats migrants souhaitant exercer sous le titre obtenu dans l’État membre d’origine », en harmonisant de façon complète les conditions préalables requises pour l’usage du droit d’établissement qu’elle confère.

La Cour a déjà jugé que la présentation à l’autorité compétente de l’État membre d’accueil d’une attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine est « l’unique condition à laquelle doit être subordonnée l’inscription de l’intéressé dans l’État membre d’accueil lui permettant d’exercer dans ce dernier État membre sous son titre professionnel d’origine » et le législateur national ne peut pas ajouter d’autres conditions aux conditions préalables requises pour l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil. Il convient de distinguer, selon la Cour, d’une part, l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, laquelle n’est soumise qu’à la seule condition de la présentation d’une attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, et, d’autre part, l’exercice lui-même de la profession d’avocat dans l’État membre d’accueil, lors duquel cet avocat est soumis aux règles professionnelles et déontologiques applicables dans le même État membre.

La Cour considère en effet que les règles professionnelles et déontologiques — contrairement à celles portant sur les conditions préalables requises pour l’inscription — n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation et peuvent dès lors « considérablement diverger entre l’État membre d’origine et l’État membre d’accueil » et à cet égard, la Cour rappelle qu’il est loisible au législateur national de prévoir de telles garanties dès lors que les règles fixées à cette fin ne vont pas au-delà de ce qui est « nécessaire pour atteindre les objectifs recherchés ».

La Cour souligne toutefois que les règles professionnelles et déontologiques applicables dans l’État membre d’accueil doivent, pour être conformes au droit de l’Union, notamment « respecter le principe de proportionnalité », ce qui implique qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis et il appartient à la juridiction nationale de procéder « aux vérifications nécessaires en ce qui concerne la règle d’incompatibilité en cause » pour en conclure toutefois que la directive s’oppose à une législation nationale « interdisant à un moine ayant la qualité d’avocat, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel d’origine ».