Bonus écologique : La réglementation française relative aux véhicules de démonstration censurée

Unir les exigences écologiques et européennes n'est pas toujours chose aisée. La France vient encore une fois d'en faire l'expérience avec cet arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
L'affaire est donc la suivante : M. Bonnarde achète une voiture en Belgique en janvier 2009 et la ramène avec lui en France. Il souhaite profiter du bonus écologique. Pour cela, il faut qu'il démontre que le véhicule qu'il vient d'acquérir est à la fois neuf, et peu polluant.
Pour ce qui est de la pollution, la démonstration est facile, il faut simplement établir que le taux d'émission de CO2 n'est pas excessif, ce qui est le cas.
Pour ce qui est de la nouveauté... la preuve est plus difficile à apporter. La voiture a en effet déjà été immatriculée une première fois, puisqu'il s'agit d'un "véhicule de démonstration" utilisé par un concessionnaire automobile. La France exige que ce soit écrit noir sur blanc sur le certificat d'immatriculation, afin d'avoir la preuve qu'il ne s'agit pas d'un véhicule d'occasion
Problème: si en France, les certificats indiquent bien "véhicule de démonstration" lorsque c'est le cas, ce n'est pas la même chose en Belgique. M. Bonnarde ne peut donc pas produire de certificat d'immatriculation portant cette mention. Le bonus écologique lui est pour cette raison refusé.
Il décide de porter l'affaire devant la justice. Il estime en effet que sa voiture ne pollue pas plus qu'un véhicule de démonstration français, mais qu'on lui empêche d'obtenir les mêmes avantages. Il s'estime discriminé parce qu'il a acheté sa voiture en Belgique. N'y a-t-il pas là une atteinte à la libre circulation des marchandises sur le territoire de l'Union ? Le tribunal de Limoges saisi surseoit à statuer et pose directement la question à la Cour de justice de l'Union européenne.
Une restriction à l'importation...
L'article 34 TFUE interdit "les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent". Sommes-nous dans ce cas de figure ?
Pour la Cour, il n'y a pas de doute, oui, la mesure française constitue bien une restriction à la libre circulation. En effet, tous les États membres de l'Union ne prévoient pas sur les certificats d'immatriculation qu'il y ait une mention indiquant "véhicule de démonstration". Dès lors, instaurer une telle obligation comme condition d'octroi du bonus écologique est "susceptible de dissuader certains intéressés résidant en France d’importer dans cet État membre des véhicules de démonstration précédemment immatriculés dans d’autres États membres", relève l'arrêt.
L'article 36 TFUE dispose que ce type de restriction à l'importation peut se justifier "par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale".
Le gouvernement français affirme que c'est le cas en l'espèce, puisque la disposition nationale en cause est justifiée par deux impératifs: la protection de l'environnement et la lutte contre la fraude.
... Non justifiée
Cet argumentaire ne convainc pas la CJUE
Elle répond donc à la question préjudicielle envoyée par Limoges que la règlementation française est bien contraire au traité.
Cette précision fournie, le tribunal de Limoges devra juger au fond et il semble assuré que M. Bonnarde puisse finalement bénéficier de son bonus écologique.