Brexit : Une troisième option est offerte aux britanniques, ils peuvent rester dans l’Union

Le Royaume-Uni est libre de révoquer unilatéralement la notification de son intention de se retirer de l’Union européenne, selon un arrêt rendu ce matin par la Cour de justice de l’Union européenne, une telle révocation, décidée dans le respect de ses propres règles constitutionnelles, aurait pour effet que le Royaume-Uni « resterait dans l’Union dans des termes inchangés quant à son statut d’État membre ».
Au terme du référendum du 23 juin 2016 qui s’est déroulé au Royaume-Uni, une majorité s’est prononcée en faveur de la sortie de l’Union européenne et le 29 mars 2017, le premier ministre britannique a notifié au Conseil européen, l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union en application de l’article 50 Traité de l’Union européenne (TUE) qui prévoit qu’après avoir effectué une telle notification, l’État membre concerné négocie et conclut avec l’Union un accord de retrait. Les traités cessent alors d’être applicables à l’État concerné à partir « de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, à l’issue d’un délai de deux ans après la notification de l’intention de retrait, tel qu’éventuellement prorogé ».
Le 19 décembre 2017, un recours en contrôle juridictionnel a été formé devant la Court of Session, Inner House, First Division (cour de session siégeant en appel, première chambre, Écosse, Royaume-Uni) par des membres du Parlement du Royaume-Uni, du Parlement écossais et du Parlement européen afin de savoir si la notification visée à l’article 50 TUE peut être « unilatéralement révoquée avant l’expiration de la période de deux ans, avec pour effet que, en cas de révocation, le Royaume-Uni resterait dans l’Union ». La Court of Session a posé, le 3 octobre dernier, une question préjudicielle en ce sens à la Cour, précisant qu’une telle réponse permettra aux membres de la Chambre des Communes de savoir, lorsqu’ils seront amenés à se prononcer sur un accord de retrait, s’il existe non pas deux, mais trois options, à savoir le retrait de l’Union sans accord, le retrait de l’Union avec un accord ou la révocation de la notification de l’intention de retrait et le maintien du Royaume-Uni dans l’Union.
En raison du caractère urgent de sa demande du fait que l’accord de retrait ne peut être ratifié que si cet accord et le cadre applicable aux relations futures du Royaume-Uni avec l’Union ont obtenu l’approbation du Parlement du Royaume-Uni, la Court of Session a sollicité l’application de la procédure accélérée qui permet de statuer rapidement dans les affaires présentant « une urgence exceptionnelle », en réduisant les délais de procédure et en accordant à ces affaires une priorité absolue.
Siégeant en assemblée plénière, la Cour
Pour aboutir à une telle décision, la Cour relève liminairement que, selon la Court of Session, le recours au principal soulève une question controversée, à la base d’un litige, qu’il lui appartient de trancher et que le jugement de la Court of Session permettra de clarifier les options ouvertes aux députés du Parlement du Royaume-Uni qui devront se prononcer sur la ratification de l’accord négocié entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Répondant aux arguments d’irrecevabilité du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, la Cour relève que la question d’interprétation de l’article 50 TUE que lui pose la Court of Session est pertinente et non hypothétique, dès lors qu’elle fait précisément l’objet du litige pendant devant la Court of Session. Sur le fond, la Cour constate que l’article 50 TUE n’aborde pas de manière explicite le sujet de la révocation de l’intention de retrait. Il ne l’interdit ni ne l’autorise expressément.
La Cour relève ensuite que l’article 50 TUE poursuit un double objectif consistant, d’une part, à consacrer le droit souverain d’un État membre de se retirer de l’Union et, d’autre part, à mettre sur pied une procédure visant à permettre qu’un tel retrait s’opère de façon ordonnée, ce qui fait dire à la Cour que « le caractère souverain du droit de retrait milite en faveur de l’existence d’un droit pour l’État membre concerné, tant qu’un accord de retrait n’est pas entré en vigueur ou, à défaut, tant que le délai de deux ans, éventuellement prorogé, n’a pas expiré, de révoquer la notification de son intention de se retirer de l’Union ».
En l’absence de disposition expresse régissant la révocation de la notification de l’intention de retrait de l’Union, cette révocation est soumise, juge la Cour, aux règles prévues à l’article 50, §1, TUE, de telle sorte qu’elle peut être décidée unilatéralement, conformément aux règles constitutionnelles de l’État membre concerné et cette révocation par un État membre de la notification de son intention de retrait « reflète une décision souveraine de conserver le statut d’État membre de l’Union européenne », statut que ladite notification n’a pas eu pour conséquence d’interrompre ou d’altérer.
Pour la Cour, il serait contraire à l’objet des traités — consistant à créer une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe — de forcer au retrait un État membre qui, ayant notifié son intention de se retirer de l’Union conformément à ses règles constitutionnelles et au terme d’un processus démocratique, décide de révoquer la notification de cette intention dans le cadre d’un tel processus et soumettre, comme le proposent le Conseil et la Commission, le droit de révocation à une approbation par le Conseil européen, à l’unanimité, transformerait « un droit unilatéral souverain en un droit conditionnel et serait incompatible avec le principe selon lequel un État membre ne saurait être contraint de se retirer de l’Union contre sa volonté ».