Concurrence : La Commission inflige une amende de 40 millions d'euros à Guess

Guess

La Commission européenne a annoncé aujourd'hui avoir infligé une amende de 39 821 000 d'euros à la société d'habillement Guess pour avoir empêché des détaillants de réaliser des campagnes publicitaires en ligne et de commercialiser leurs produits auprès de consommateurs d'autres États membres (« géoblocage »), en violation des dispositions de l'Union en matière de concurrence.

« À travers ses accords de distribution, a déclaré la commissaire chargée de la politique de concurrence Margrethe Vestager, Guess a tenté d'empêcher des consommateurs de l'UE de faire leurs achats dans d'autres États membres, en empêchant des détaillants de faire de la publicité et de vendre à l'étranger. La société est ainsi parvenue à maintenir les prix de détail à un niveau artificiellement élevé, en particulier dans les pays d'Europe centrale et orientale […] nous avons aujourd'hui sanctionné Guess pour ce comportement ».

La société Guess conçoit, distribue et délivre des licences pour des vêtements et accessoires sous de nombreuses marques, y compris « Guess ? » et « Marciano ». Guess gère un système de distribution sélective dans l'Espace économique européen (EEE), en vertu duquel des revendeurs agréés sont choisis sur la base de critères de qualité. Les entreprises dans l'EEE sont libres de mettre en place le système de distribution répondant le mieux à leurs besoins, y compris des systèmes de distribution sélective, par lesquels les produits ne peuvent être vendus que par des vendeurs agréés présélectionnés qui doit néanmoins être « conforme aux règles de concurrence de l'UE » et notamment le consommateur doit être « libre de faire ses achats chez n'importe quel détaillant agréé par un fabricant, y compris au-delà des frontières nationales » lequel doit être « libre d'offrir les produits couverts par le contrat de distribution en ligne, de faire de la publicité et de vendre par-delà les frontières, et de fixer leurs prix de revente ».

En juin 2017, la Commission a ouvert une procédure formelle d'examen concernant les accords de distribution et les pratiques de Guess afin de déterminer si la société restreint ou empêche des détaillants de commercialiser leurs produits par-delà les frontières auprès de consommateurs établis dans le marché unique de l'UE.

Selon les conclusions de l’enquête de la Commission, les accords de distribution de Guess limitaient la capacité des détaillants à « utiliser les marques de commerce ou de fabrique Guess aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne », « commercialiser des produits en ligne sans une autorisation préalable spécifique […] qui n'était pas fondée sur des critères de qualité précis », « vendre des produits à des consommateurs situés en dehors des territoires alloués aux détaillants autorisés », « réaliser des ventes croisées entre grossistes et détaillants autorisés » et « décider en toute indépendance du prix de vente au détail », les accords ayant permis à Guess de cloisonner les marchés européens et il a été constaté qu'en Europe centrale et orientale (Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie), les prix de détail étaient en moyenne 5 à 10 % plus élevés qu'en Europe occidentale. Les pratiques illégales, qui ont duré jusqu'au 31 octobre 2017, ont privé les consommateurs européens de l'un des principaux avantages du marché unique européen, à savoir « la possibilité d'effectuer des achats transfrontières offrant un choix plus vaste et des conditions plus avantageuses ».

Une amende réduite de 50 %

Guess a bénéficié d’une amende réduite de 50 % pour avoir coopéré avec la Commission « en allant au-delà de son obligation juridique à cet égard », en révélant une infraction aux règles de concurrence de l'UE qui n'était pas encore connue de la Commission, à savoir, l'interdiction d'utiliser des noms de marque de commerce et de fabrique Guess aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne et elle a par ailleurs fourni des éléments de preuve d'une « valeur ajoutée significative » et a reconnu les faits et les infractions aux règles de concurrence de l'UE. Le montant de l'amende ainsi été limitée à 39 821 000 d'euros et concerne des faits couvrant la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2017.

Enquête sectorielle sur le commerce électronique

Dans son rapport final sur l'enquête sectorielle relative au commerce électronique, la Commission a constaté que plus d'un détaillant sur dix interrogé se voyait imposer des restrictions de ventes transfrontières dans ses accords de distribution. Les informations recueillies ont permis de cibler l'application des règles de concurrence de l'UE sur les pratiques commerciales problématiques qui étaient les plus répandues dans le secteur du commerce électronique et pouvant nuire à la concurrence ou aux échanges transfrontières et, partant, au fonctionnement du marché unique numérique de l'UE. L'enquête Guess a été lancée par la Commission en tant que procédure à part entière, indépendante de l'enquête sectorielle.  

Règlement relatif au blocage géographique

La décision prise aujourd'hui, précise la Commission, vient compléter le règlement 2018/302 sur le blocage géographique injustifié, applicable depuis le 3 décembre 2018, qui interdit le géoblocage et autres restrictions géographiques qui entravent les achats en ligne et les ventes transfrontières en limitant les possibilités, pour les consommateurs et les entreprises, de profiter des avantages du commerce en ligne. Selon ce règlement, un fournisseur ne peut pas interdire par contrat à un détaillant de répondre aux demandes des clients qu'il n'a pas sollicitées (ventes passives) dans les situations spécifiques couvertes par le règlement, ce qui était la pratique habituelle et constante de Guess. Le règlement n'interdit pas, en revanche, les restrictions sur les « ventes actives », c'est-à-dire le fait de prospecter et de cibler des clients individuels via la publicité mais elles doivent être conformes aux règles de concurrence de l'UE, ce qui n'était pas le cas de Guess.

Action en dommages et intérêts

Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles décrites dans cette affaire peut saisir les juridictions des États membres pour réclamer des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l'existence et du caractère illicite des pratiques en cause, même si la Commission a infligé des amendes aux entreprises concernées, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l'amende infligée par la Commission. C’est la directive concernant les actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, que les États membres devaient transposer en droit national pour le 27 décembre 2016 au plus tard, qui facilite l'obtention de dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles.

Outil de lancement d'alertes

La Commission a mis en place un outil permettant aux particuliers de l'alerter en cas de pratiques anticoncurrentielles, dans le respect de leur anonymat. L'outil protège l'anonymat des lanceurs d'alertes grâce à un système spécial de messagerie cryptée qui permet de communiquer dans les deux sens.