Discriminations : Les droits des salariés étendus à un travailleur indépendant en matière d’orientation sexuelle

L’orientation sexuelle ne peut être un motif pour refuser de conclure un contrat avec un travailleur indépendant, a jugé jeudi la Cour de justice de l’Union européenne au visa de la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail qui établit un cadre général pur lutter contre la discrimination fondée, notamment, sur l’orientation sexuelle.
En l’espèce, entre 2010 et 2017, un monteur audiovisuel sous le statut indépendant avait réalisé des montages audiovisuels, des bandes annonces et des feuilletons pour TP, une chaîne de télévision publique polonaise, au moyen de contrats d’entreprise consécutifs de courte durée. Au mois de décembre 2017, il a publié avec son partenaire, sur YouTube, une vidéo promouvant la tolérance envers les couples de même sexe et TP a aussitôt annulé les contrats en cours et ensuite aucun nouveau contrat n’a été conclu entre les parties.
Saisi d’une demande d’indemnisation au motif d’une discrimination directe fondée l’orientation sexuelle, un tribunal de Varsovie, en Pologne, a interrogé la Cour quant à l’applicabilité de la directive du 27 novembre 2000 relative à l’égalité de traitement à un travailleur indépendant et dans l’affirmative si une réglementation nationale peut écarter son application au nom de la liberté de choix du cocontractant.
La notion de « conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariés ou au travail », qui circonscrit les activités professionnelles entrant dans le champ d’application de la directive, doit être entendue « de manière large », c’est-à-dire, juge la Cour
Les activités consistant en la simple fourniture de biens ou de services à un ou plusieurs « clients » ne relevant toutefois pas de cette directive, il appartient au juge national, précise la Cour, de vérifier que les activités professionnelles alléguées, et relevant de la directive, soient « réelles et exercées dans le cadre d’une relation juridique caractérisée par une certaine stabilité ».
Il en va de même en ce qui concerne les « conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération » qui doivent, aussi, être interprétées lato sensu et pour ce qui est plus particulièrement de la notion de « licenciement », la Cour estime qu’une personne ayant exercé une activité indépendante peut aussi se trouver « contrainte de cesser cette activité du fait de son contractant » et se trouver dans une « situation de vulnérabilité comparable à celle d’un salarié licencié », pour en déduire, sous réserve de l’appréciation au cas par cas par le juge national, que la décision de ne pas renouveler un contrat prétexte pris de l’orientation sexuelle relève du champ d’application de la directive.
La Cour rappelle, en tant que de besoin, qu’admettre que la liberté contractuelle puisse permettre de refuser de contracter avec une personne en raison de son orientation sexuelle priverait la directive 2000/78 de tout « effet utile » et la marge de manœuvre de la juridiction nationale est donc très limitée au cas particulier.