Foulard islamique : Une règle interne de l’entreprise peut l’interdire

« Une règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de tout signe distinctif ne constitue pas une discrimination mais en l’absence d’une telle règle, juge la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans deux affaires distinctes, la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle de nature à écarter l’existence d’une discrimination ».
Dans la première affaire, une salariée de confession musulmane avait été engagée, en février 2003, en tant que réceptionniste par la société belge G4S Secure Solutions qui fournit « des services de réception et d’accueil à ses clients publics et privés » et, selon une règle non écrite, il était interdit aux employés de cette société de « porter des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail ». Après avoir informé son employeur, au mois d’avril 2006, de son intention de porter le foulard islamique pendant les heures de travail et un arrêt maladie début mai 2006, Samira Achbita a été licenciée le 12 juin 2006 après avoir obtenu, le 29 mai 2006, l’accord du comité d’entreprise pour une modification du règlement intérieur faisant état d’une « interdiction aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ».
Dans la seconde affaire, il s’agit d’une jeune femme qui a effectué, en février 2008, son stage de fin d’études auprès de la société française Micropole Univers, qui portait le foulard islamique et qui a été engagée à la fin de son stage, le 15 juillet 2008, en contrat à durée indéterminée (CDI) en tant qu’ingénieur d’études. Mais sur la plainte du client auprès duquel Asma Bougnaoui avait été assignée et ayant refusé de ne plus porter le voile, elle a été licenciée.
C’est ainsi que dans le premier cas, la Cour de cassation belge a interrogé la Cour européenne quant à l’interdiction de porter un foulard islamique, découlant d’une règle interne générale d’une entreprise privée, qui constituerait une discrimination directe en application de la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi
La Cour
S’agissant de G4S, la Cour relève que la règle interne vise le port de signes visibles de convictions politiques, philosophiques ou religieuses, c’est-à-dire de manière indifférente toute manifestation de telles convictions et traite, de manière identique, tous les travailleurs de l’entreprise en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, une neutralité vestimentaire. Et pour la Cour, une telle règle interne n’instaure donc pas de différence de traitement directement fondée sur la religion ou sur les convictions.
Au cas particulier, il appartient à la juridiction nationale, précise la Cour, de vérifier s’il n’y a pas une différence de traitement indirecte qui pourrait toutefois être justifiée par un objectif légitime si les moyens mis en œuvre pour le réaliser sont appropriés et nécessaires. L’objectif peut être considéré comme légitime, poursuit la Cour, lorsque seuls les salariés en contact avec la clientèle sont concernés et si, en l’espèce, il a été proposé à la salariée concernée, si cela est possible, une autre affectation n’impliquant pas de contact avec la clientèle au lieu de la licencier.
Dans le cas de la société Micropole Univers, en l’absence d’une règle interne prohibant le port visible de signes distinctifs, ce n’est que dans des hypothèses très limitées qu’une différence de traitement prohibée par la directive puisse être considérée comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Et cette notion, souligne la Cour, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice d’une activité professionnelle et ne couvre pas des « considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client ».