Hébergement de courte durée : La plate-forme Airbnb est une service de la société de l’information

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Airbnb n'a pas à détenir une carte professionnelle d'agent immobilier

Faute d’avoir notifié cette exigence à la Commission, conformément à la directive sur le commerce électronique, la France ne peut exiger d’Airbnb, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, qu’elle dispose d’une carte professionnelle d’agent immobilier.

À l’origine de l’affaire, une plainte avec constitution de partie civile déposée contre Airbnb Ireland par l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AHTOP). Airbnb est une « plate-forme électronique permettant, moyennant le paiement d’une commission, la mise en relation, notamment en France, de loueurs professionnels et particuliers proposant des prestations d’hébergement de courte durée avec des personnes recherchant ce type d’hébergement », ainsi que des prestations accessoires telles que, par exemple, un canevas définissant le contenu de leur offre, une assurance responsabilité civile, un outil d’estimation du prix de leur location ou des services de paiement relatifs à ces prestations.

L’AHTOP soutenait que cette société ne se contentait pas de mettre en relation deux parties grâce à la plate-forme éponyme mais qu’elle exerçait une activité d’agent immobilier sans détenir de carte professionnelle, en violation de la loi dite Hoguet, applicable en France aux activités des professionnels de l’immobilier, et, de son côté, Airbnb Ireland estimait que la directive 2000/31Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite « directive sur le commerce électronique », J.O.UE, 2000, L 178, p. 1. s’opposait à cette réglementation française.

Interrogée sur la qualification du service d’intermédiation fourni par Airbnb Ireland, la Cour de LuxembourgCJUE, 19 déc. 2019, n° C-390/18, YA et Airbnb Ireland c/ société Hôtelière Turenne, Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP) et Valhotel. a rappelé, en se référant à l’arrêt Asociación Profesional Elite TaxiCJUE, 20 déc. 2017, n° C-434/15, Asociación Profesional Elite Taxi. que, si un service d’intermédiation satisfait aux conditions visées à l’article 1er, § 1, sous b), de la directive 2015/1535Directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information J.O.UE 2015, L 241, p. 1., auquel renvoie l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, il constitue en principe un « service de la société de l’information », distinct du service subséquent auquel il se rapporte, sauf s’il apparaît que ce service d’intermédiation fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service relevant d’une autre qualification juridique.

Au cas particulier, le service d’intermédiation tel que celui fourni par Airbnb Ireland, estime la Cour, remplit ces conditions sans que la nature des liens existant entre le service d’intermédiation et la prestation d’hébergement justifie d’écarter la qualification de « service de la société de l’information » dudit service d’intermédiation et, partant, l’application à celui-ci de la directive 2000/31. Pour en souligner le caractère dissociable, la Cour relève, en premier lieu, que ce service ne tend pas uniquement à la réalisation immédiate de telles prestations mais « consiste pour l’essentiel en la fourniture d’un instrument de présentation et de recherche des logements mis à la location, facilitant la conclusion de futurs contrats de location », lui faisant dire que ce type de service ne saurait être considéré comme constituant le simple accessoire d’un service global d’hébergement. En deuxième lieu, la Cour souligne qu’un service d’intermédiation tel que celui fourni par Airbnb Ireland n’est aucunement indispensable à la réalisation de prestations d’hébergement, les locataires et les loueurs disposant de nombreux autres canaux à cet effet, dont certains existent de longue date. En troisième lieu, la Cour relève qu’aucun élément du dossier n’indique qu’Airbnb fixerait ou plafonnerait le montant des loyers réclamés par les loueurs ayant recours à sa plate-forme.

La Cour précise par ailleurs que les autres prestations proposées par Airbnb Ireland ne permettent pas de remettre en cause ce constat, s’agissant de prestations « accessoires au service d’intermédiation fourni », ajoutant qu’à la différence des services d’intermédiation en cause dans les arrêts Asociación Profesional Elite Taxi et Uber FranceCJUE, 10 avr. 2018, n° C-320/16, Uber France.tions accessoires proposés par Airbnb Ireland ne permettent d’établir « l’existence d’une influence décisive exercée par cette société sur les services d’hébergement auxquels se rapporte son activité », qu’il s’agisse de la détermination des prix des loyers réclamés que de la sélection des loueurs ou des logements mis en location sur sa plate-forme.

Quant à l’application de la loi Hoguet à Airbnb Ireland, la Cour considère que le fait que ladite loi soit antérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2000/31 ne saurait avoir pour conséquence de libérer la France de son obligation de notification et s’inspirant du raisonnement suivi dans l’arrêt CIA Security InternationalCJUE, 30 avr. 1996, n° C-194/94, CIA Security International., elle estime que l’obligation de notification constitue « une exigence procédurale de nature substantielle » qui doit se voir reconnaître un effet direct et en a déduit que la méconnaissance par la France de son obligation de notification d’une telle mesure peut être invoquée par un particulier dans le cadre non seulement de poursuites pénales dirigées contre lui, mais également d’une demande indemnitaire formée par un autre particulier s’étant constitué partie civile.