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Marques : Les semelles rouges Louboutin protégées

Par Nicolas de Will | LEXTIMES.FR |
Chaussures à semelles rouges Louboutin Chaussures à semelles rouges Louboutin

Une marque consistant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure ne relève pas de l’interdiction d’enregistrement des formes, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, car une telle marque n’est pas constituée « exclusivement par la forme » au sens de la directive sur les marques.

Christian Louboutin et sa société éponyme ont créé des chaussures à talons hauts pour femmes dont la particularité est d’avoir la semelle extérieure systématiquement revêtue d’une couleur rouge et en 2010, M. Louboutin a fait enregistrer cette marque au Benelux pour la classe « chaussures » puis, à compter de 2013, pour la classe « chaussures à talons hauts », décrite comme consistant « en la couleur rouge (Pantone 18-1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque) ».

Semelles rouges Louboutin
Couleur rouge (Pantone 18-1663TP) appliquée sur la semelle d'une chaussure. ™ Christian Louboutin.

De son côté, la société Van Haren exploite aux Pays-Bas des commerces de détail de chaussures et en 2012, a vendu des chaussures à talons hauts pour femmes, dont la semelle était revêtue d’une couleur rouge. M. Louboutin et sa société ont alors saisi les juridictions néerlandaises afin de faire constater que Van Haren s’était rendue coupable de contrefaçon et à cette occasion, Van Haren soulève la nullité de la marque en s’appuyant sur la directive de l’Union sur les marques qui énumère plusieurs motifs de nullité ou de refus à l’enregistrement et notamment en ce qui concerne les signes constitués exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit1 . C’est ainsi que le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) a interrogé la justice européenne quant à la marque en cause qui est indissociablement liée à une semelle de chaussure pour savoir si, selon la directive, la notion de « forme » est limitée aux seules caractéristiques tridimensionnelles d’un produit (telles que les contours, la dimension et le volume) ou si elle vise également d’autres caractéristiques, comme la couleur.

La Cour2  considère qu’en l’absence de toute définition dans la directive de la notion de « forme », la détermination de la signification de ce terme doit être établie conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant et selon le sens usuel de ce terme, une couleur en elle-même, sans délimitation dans l’espace, pourrait constituer une forme et si, en outre, la forme du produit ou d’une partie du produit joue « un rôle dans la délimitation de la couleur dans l’espace, il n’est toutefois pas possible de considérer qu’un signe est constitué par cette forme lorsque ce n’est pas celle-ci que l’enregistrement de la marque vise à protéger, mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique du produit ».

Au cas particulier, la marque ne porte pas sur une forme spécifique de semelle de chaussures à talons hauts, la description de cette marque indiquant expressément que le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque, mais sert uniquement à mettre en évidence l’emplacement de la couleur rouge visée par l’enregistrement et un signe, poursuit la Cour, tel que celui en cause, ne saurait, en tout état de cause, être considéré comme étant constitué « exclusivement » par la forme lorsque l’objet principal de ce signe est une couleur précisée au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu.

 

  • 1Art. 3, § 1, sous e), iii), de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, J.O.UE 2008, L 299, p. 25.
  • 2CJUE, gde ch., 12 juin 2018, n° C-163/16, Christian Louboutin et a. c/ société Van Haren Schoenen.

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