Migrants : Le Royaume-Uni « État responsable » en vertu Dublin III malgré l'article 50

Cour de justice de l'Union européenne

Un État membre ayant notifié son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE demeure l’État responsable au sens du règlement Dublin III, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, et il appartient à chaque État membre de déterminer les circonstances dans lesquelles il souhaite « faire usage de son pouvoir discrétionnaire et d’accepter d’examiner lui-même une demande de protection internationale pour laquelle il n’est pas responsable ».

En l’espèce, un tribunal irlandais avait confirmé, le 10 janvier 20147, une décision du commissaire irlandais aux réfugiés recommandant le transfert d’un couple et de leur enfant vers le Royaume-Uni, le commissaire estimant que le Royaume-Uni était le pays responsable de leur prise en charge en application du règlement Dublin IIIRèglement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, J.O.UE 2013, L 180, p. 31..

La juridiction irlandaise avait estimé ne pas être compétent pour exercer la faculté conférée par la clause discrétionnaire prévue par le règlement et selon laquelle « chaque État membre peut décider de procéder à l’examen d’une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères de détermination de l’État membre responsable ». Saisie d’un recours sur ce point, la Haute Cour irlandaise (High Court) a interrogé la Cour s’il y avait lieu, au préalable, de déterminer les implications que pourrait avoir le processus de retrait du Royaume-Uni de l’Union pour le système de Dublin.

La CourCJUE, 23 janv. 2019, n° C-661/17, M.A., S.A. et A.Z. c/ International Protection Appeals Tribunal et a. rappelle liminairement que la notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’a pas pour effet de « suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre » et que, par conséquent, ce droit « reste pleinement en vigueur dans cet État jusqu’à son retrait effectif de l’Union ».

Quant à la clause discrétionnaire prévue par le règlement Dublin III, il ressort clairement de son libellé, relève la Cour, qu’elle est de nature « facultative » et cette faculté n’est « soumise à aucune condition particulière » dans la mesure où elle vise à permettre à chaque État membre de « décider souverainement, en fonction de considérations politiques, humanitaires ou pratiques, d’accepter d’examiner une demande de protection internationale, même s’il n’est pas responsable en application des critères définis par ledit règlement ». Constat conforme, selon la Cour, à l’objectif de cette clause qui est de « préserver les prérogatives des États membres dans l’exercice du droit d’octroyer une protection internationale », ainsi qu’à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les dispositions facultatives accordent un pouvoir d’appréciation étendu aux États membres.

Au cas particulier, la circonstance selon laquelle le Royaume-Uni, déterminé comme responsable au sens du règlement Dublin III, a notifié son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TUE n’oblige pas l’État membre procédant à cette détermination, en l’espèce l’Irlande, à examiner lui-même, en application de la clause discrétionnaire, la demande de protection internationale.

Cela étant, est-ce que le règlement Dublin III doit être interprété en ce sens qu’il impose que « la détermination de l’État responsable en application des critères définis par ce règlement et l’exercice de la clause discrétionnaire prévue dans le règlement soient assurés par la même autorité nationale » ? Sur ce point, la Cour relève que le règlement Dublin III ne contient aucune disposition précisant quelle autorité est habilitée à prendre une décision en application des critères, définis par ce règlement, relatifs à la détermination de l’État membre responsable ou au titre de la clause discrétionnaire et le règlement ne précise pas davantage si un État membre doit confier à la même autorité l’application de tels critères et celle de cette clause discrétionnaire.

Le règlement dispose, en revanche, souligne la Cour, que chaque État membre doit notifier sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l’exécution des obligations découlant de ce règlement et toute modification concernant ces autorités et elle en conclut qu’il appartient aux États membres de déterminer les autorités nationales compétentes pour appliquer le règlement Dublin III, ajoutant qu’un État membre est « libre de confier la charge de l’application des critères définis par ce règlement relatifs à la détermination de l’État membre responsable et celle de l’application de la clause discrétionnaire dudit règlement à des autorités différentes ».

Les dispositions du règlement Dublin III n’imposent pas par ailleurs à un État membre qui n’est pas responsable, en vertu des critères énoncés par ce règlement, de l’examen d’une demande de protection internationale de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et d’examiner lui-même cette demande, en application de la clause discrétionnaire prévue par ledit règlement. De même, le règlement n’impose pas de prévoir un recours contre la décision de ne pas faire usage de la clause discrétionnaire, sachant que cette décision pourra être contestée à l’occasion d’un recours contre la décision de transfert et, enfin, la Cour considère qu’en l’absence de preuve contraire, le règlement Dublin III établit une présomption selon laquelle « il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de traiter la situation de cet enfant de manière indissociable de celle de ses parents ».