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Tabac : Validation de l’interdiction des produits aromatisés

Par Nicolas de Will | LEXTIMES.FR |
Planta Tabak-Manufaktur Dr. Manfred Obermann Planta Tabak-Manufaktur Dr. Manfred Obermann

L’interdiction par étapes, au niveau de l’Union européenne (UE), de cigarettes et tabac à rouler contenant un arôme est valide, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne qui considère que cette interdiction « ne méconnaît ni les principes de la sécurité juridique, d’égalité de traitement et de proportionnalité ni celui de la libre circulation des marchandises ».

À l’origine de cette décision, l’entreprise allemande Planta Tabak qui fabrique et commercialise des produits du tabac, en particulier du tabac à rouler aromatisé, et avait demandé au tribunal administratif de Berlin (Verwaltungsgericht) de constater que certaines dispositions allemandes relatives à « l’interdiction des arômes, aux photos de choc et à l’interdiction de la publicité des arômes », qui transposent la directive de 2014 sur les produits du tabac1 , n’étaient pas applicables à ses produits. Le Verwaltungsgericht Berlin a donc interrogé la Cour quant à la validité et à l’interprétation des dispositions litigieuses.

La Cour2 relève liminairement que « l’interdiction de la mise sur le marché, depuis le 20 mai 2016, de cigarettes et tabac à rouler contenant un arôme pour autant que le volume des ventes à l’échelle de l’UE est inférieur à 3 % dans les catégories cigarettes et tabac à rouler et à compter du 20 mai 2020 dans le cas contraire est valide ». Le fait que la directive ne précise pas les produits dont les volumes des ventes représentent 3 % ou plus et qu’elle ne prévoit pas de procédé concret aux fins de les déterminer ne signifie pas, selon la Cour, que la directive méconnaît « le principe de sécurité juridique », la procédure à suivre afin de déterminer si un produit du tabac déterminé atteint la limite de 3 % devant être établie « conformément au droit interne de l’État membre concerné ».

La distinction en fonction du volume des ventes est objectivement justifiée, juge la Cour, et ne méconnaît pas, selon elle, le principe d’égalité de traitement, le législateur de l’Union étant en droit de procéder « par étapes » et d’accorder aux consommateurs de produits représentant un volume de ventes élevé « le temps nécessaire pour passer à d’autres produits ». De même, l’interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme ne va pas non plus manifestement au-delà de ce qui est « nécessaire pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes » et ne méconnaît donc pas, non plus, le principe de proportionnalité dans la mesure où il n’est pas contesté que certains arômes sont « particulièrement attrayants » pour ces derniers et qu’ils facilitent l’initiation à la consommation de tabac [<em>cf.</em>. CJUE, 4 mai 2016, n° C-358/14, Pologne c/ Parlement et Conseil.].

Au demeurant, estime la Cour, si l’interdiction en cause constitue une restriction à la libre circulation des marchandises, une telle restriction s’avère justifiée par « la mise en balance de ses conséquences économiques et de l’impératif consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine » qui doit prévaloir. Pour ce qui est des périodes pour la transposition de la directive en droit national, la Cour précise que les États membres ne sont pas autorisés à arrêter des périodes de transposition complémentaires à celles prévues à la directive. La Cour constatant, à cet égard, que la période de deux ans dont disposaient les États membres pour adopter les dispositions nécessaires en vue de transposer la directive et garantir qu’il reste aux opérateurs économiques concernés suffisamment de temps pour s’adapter aux prescriptions de cette directive est suffisante au regard du principe de proportionnalité.

Quant à l’interdiction d’utiliser des informations évoquant un goût, une odeur, un arôme ou un autre additif, la Cour précise que la directive impose aux États membres d’interdire l’utilisation de telles informations même s’il s’agit d’informations non publicitaires et que l’utilisation des ingrédients concernés demeure autorisée car le législateur de l’Union n’a pas entendu opérer de distinction entre des informations publicitaires et des informations non publicitaires. Pour l’interdiction d’utiliser sur l’étiquetage des unités de conditionnement, sur l’emballage extérieur et sur le produit du tabac proprement dit des marques évoquant un arôme, la Cour constate que cette restriction n’équivaut pas à une privation du droit de propriété mais seulement à « une limitation de celui-ci » car la directive laisse aux titulaires de telles marques commerciales la liberté de les exploiter de toute autre manière, comme notamment au moyen de la vente en gros.

 

  • 1Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, J.O.UE 2014, L 127, p. 1, et rectificatif J.O.UE 2015, L 150, p. 24.
  • 2CJUE, 30 janv. 2019, n° C-220/17, Planta Tabak-Manufaktur Dr. Manfred Obermann GmbH & Co. KG c/ Land Berlin.

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