TVA : Pas de taux réduit pour les publications numériques

Cour de justice de l'Union européenne.

Tous les services électroniques sont exclus de la possibilité d’application d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), a jugé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à l’occasion d’une question préjudicielle soumise par la Cour constitutionnelle polonaise et applicable au redressement fiscal dont fait l’objet Mediapart par l’administration fiscale française.

En application de la Directive 2006/112/CE du Conseil, 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, J.O.UE, L 347, p. 1, 11 déc. 2006, dans sa version résultant de la directive 2009/47/CE du Conseil, du 5 mai 2009, modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée, J.O.UE, L 116, p.18, 5 mai 2009., les États membres peuvent appliquer un — voire deux — taux réduit de TVA aux publications imprimées telles que les livres, les journaux et les périodiques non publicitaires mais les publications numériques, en revanche, sont soumises au taux normal de TVA, à l’exception des livres numériques fournis sur un support physique tel que, par exemple, un cédérom.

Saisie par le médiateur, la Cour constitutionnelle polonaise avait un doute quant à la validité de cette différence d’imposition et a interrogé la Cour européenne sur sa compatibilité avec le principe d’égalité de traitement.

La CourCJUE, 7 mars 2017, n° C-390/15, Rzecznik Praw Obywatelskich (RPO). concède que les dispositions de cette directive doivent être regardées comme « instaurant une différence de traitement entre deux situations pourtant comparables au regard de l’objectif poursuivi par le législateur » qui, rappelle-t-elle, peut être justifiée lorsqu’elle se rapporte « à un objectif légalement admissible poursuivi par la mesure ayant pour effet de l’instaurer et qu’elle est proportionnée à cet objectif ».

En matière fiscale, souligne la Cour, le législateur de l’Union est appelé à procéder à des choix de nature politique, économique et sociale et à hiérarchiser des intérêts divergents ou à effectuer des appréciations complexes pour lesquels il a « un large pouvoir d’appréciation » et le contrôle juridictionnel du respect de telles conditions se limite à celui de « l’erreur manifeste ».

Au cas particulier, relève la Cour, l’exclusion de l’application d’un taux réduit de TVA à la fourniture de publications numériques par voie électronique est la conséquence « du régime particulier de TVA applicable au commerce électronique » qui, eu égard aux évolutions perpétuelles auxquelles les services électroniques sont soumis, il est « nécessaire de [les] soumettre […] à des règles claires, simples et uniformes afin que le taux de TVA qui leur est applicable puisse être établi avec certitude et que soit ainsi facilitée la gestion de cette taxe par les assujettis et par les administrations fiscales nationales ».

Selon la Cour, en excluant l’application d’un réduit de TVA aux services électroniques, le législateur a permis aux assujettis et aux administrations de leur éviter d’avoir à examiner, pour chaque type de ces services, s’il relève ou on de l’une des catégories de services susceptibles de bénéficier d’un tel taux en vertu de la directive TVA et elle en conclut que la mesure doit être « regardée comme étant apte à réaliser l’objectif poursuivi par le régime particulier de TVA applicable au commerce électronique ».

Admettre que les États membres aient la possibilité d’appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de publications numériques par voie électronique — comme cela est permis pour la fourniture de publications sur tout type de support physique — reviendrait, estime la Cour, à « porter atteinte à la cohérence d’ensemble de la mesure souhaitée par le législateur [consistant] à exclure tous les services électroniques de la possibilité d’application d’un taux réduit de TVA ».

Décision mortelle pour Mediapart qui a saisi la Cour de Luxembourg d’une question préjudicielle similaire et qui voit son redressement fiscal potentiellement confirmé mais également une possible remise en cause de la décision française ayant accordé, à compter du 1er février 2014, le taux réduit de TVA de 2,1 % à la presse en ligne.

Réaction excessive de la délégation socialiste française au Parlement européen qui, dans un communiqué, traite la Cour de justice de « têtue comme un âne » et l’invite à « changer de logiciel » car, plaide-t-elle, « l’objectif, c’est le développement de la culture, de la lecture, de la liberté de la presse et l’expansion du numérique en Europe ».