UE : Le tribunal précise le champ d'application du droit d'accès aux documents des institutions

La Commission européenne ne peut pas refuser automatiquement l’accès aux mémoires des États membres dans le cadre d’une procédure devant la Cour de justice au motif qu’il s’agit de documents juridictionnels, a jugé le tribunal de l'Union européenne à l'occasion d'un recours engagé par le militant politique allemand Patrick Breyer.
Selon les traités de l’Union, tout citoyen a, en principe, un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union mais la Cour de justice de l’Union européenne n’est toutefois soumise à cette obligation de transparence que pour ses fonctions administratives, l'activité juridictionnelle est exclue du droit d’accès. C'est le règlement n° 1049/2001 qui régit l’accès aux documents détenus par le Parlement européen, le Conseil et la Commission et prévoit notamment une exception lorsque la divulgation d'un document porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie une telle divulgation. Pour ce qui est des documents émanant d’un État membre, le règlement prévoit que cet État peut demander à l’institution de ne pas les divulguer sans son accord préalable.
Au cas particulier, en mars 2011, Patrick Breyer a demandé à la Commission de lui donner accès, entre autres, aux mémoires que l’Autriche avait soumis à la Cour de justice dans le cadre d’une procédure en manquement engagée par la Commission contre cet État membre pour non-transposition de la directive sur la conservation des données et qui avait été clôturée par un arrêt rendu le 29 juillet 2010. La Commission avait refusé au motif qu’ils ne relèvaient pas du champ d’application du règlement n° 1049/2001 et c'est que M. Breyer, soutenu par la Finlande et la Suède, a saisi le tribunal de l’Union européenne pour obtenir l’annulation de cette décision de rejet.
Le tribunal
Pour le tribunal, il n’y a aucune raison d’opérer une distinction, en vue de leur inclusion dans le champ d’application du droit d’accès aux documents, entre les mémoires émanant de la Commission et ceux émanant d’un État membre pour en conclure que les mémoires litigieux relèvent du champ d’application du règlement n° 1049/2001, sans préjudice, est-il précisé, de l’application, le cas échéant, d’une des exceptions prévues par le règlement — dont la protection des procédures juridictionnelles — et de la possibilité pour l’État membre concerné de demander à l’institution concernée de ne pas divulguer ses mémoires.
Le Tribunal, en revanche, est particulièrement sévère à l'encontre de M. Breyer concernant la publication sur internet, au cours de cette procédure du mémoire en défense de la Commission et d'une lettre de celle-ci lui demandant de retirer ce mémoire de son site internet. En procédant à cette publication, estime le tribunal, M. Breyer a utilisé son droit d’accès aux écritures de la Commission « à des fins autres que la seule défense de sa propre cause dans le cadre de cette instance et a ainsi porté atteinte au droit de la Commission de défendre sa position indépendamment de toute influence extérieure ». Cette publication est considérée d'autant plus « inappropriée »par le tribunal — et constituerait un abus de droit — qu'elle était accompagnée« d’une possibilité pour les internautes de publier des commentaires, certains d’entre eux ayant été critiques envers la Commission ». « Cet abus de droit »a conduit le tribunal à faire supporter à M. Breyer la moitié de ses dépens malgré le fait que son recours ait été favorablement accueilli.