Vol annulé : Le décès du copilote n’exonère pas la compagnie de son obligation d’indemnisation

Obligation d'indemnisation même en cas d'annulation en raison du décès du copilote
Obligation d'indemnisation même en cas d'annulation en raison du décès du copilote.

L’annulation d’un vol en raison du décès inopiné du copilote n’exonère pas la compagnie aérienne de son obligation d’indemniser les passagers, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne car « un tel décès, pour tragique qu’il soit, ne constitue pas une circonstance extraordinaire mais est, à l’instar de toute maladie inopinée pouvant affecter un membre indispensable de l’équipage, inhérent à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne ».

En l’espèce, TAP, la compagnie aérienne portugaise, devait assurer, le 17 juillet 2019, un vol à 6h05, entre Stuttgart, en Allemagne, et Lisbonne et le jour même, à 4h15, le copilote du vol concerné a été retrouvé mort dans le lit de sa chambre d’hôtel. Choqué, l’ensemble de l’équipage s’est déclaré inapte à voler et le vol a été annulé. Un équipage de remplacement est parti de Lisbonne à 11h25 et est arrivé à Stuttgart à 15h20 et les passagers n’ont pu être acheminés à Lisbonne que par un vol de remplacement programmé à 16h40.

Certains passagers du vol annulé ont cédé leurs droits nés de cette annulation à des sociétés fournissant une assistance juridique aux passagers aériens à qui TAP a refusé de verser l’indemnisation prévue dans le règlement sur les droits des passagers aériensRèglement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, J.O.UE 2004, L 46, p. 1. en invoquant que le décès inopiné du copilote constituait une « circonstance extraordinaire » qui exonère le transporteur aérien de son obligation d’indemnisation.

Saisi du litige, le tribunal régional de Stuttgart demande à la Cour de justice d’interpréter le règlement et par cet arrêtCJUE, 11 mai 2023, n° C-156/22 à 158/22, TAP Portugal., il est rappelé que les mesures relatives au personnel du transporteur aérien effectif, telles que celles relatives à la planification des équipages et des horaires de travail du personnel, relèvent de l’exercice normal des activités de ce dernier. La gestion d’une absence inopinée, en raison de la maladie ou du décès, d’un ou de plusieurs membres du personnel indispensables pour assurer un vol, y compris peu de temps avant le départ de ce dernier, est, estime la Cour, « intrinsèquement liée à la question de la planification de l’équipage et des horaires de travail du personnel », une telle absence est donc inhérente à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien effectif et ne relève pas de la notion de « circonstances extraordinaires ». Le transporteur aérien n’est dès lors pas exonéré de son obligation d’indemniser les passagers.

La Cour précise que, pour aussi tragique et ultime qu’elle soit, la situation d’un décès inopiné ne se distingue pas, d’un point de vue juridique, de celle dans laquelle un vol ne peut être assuré lorsqu’un membre du personnel est tombé malade, de manière inopinée, peu de temps avant le départ du vol. C’est l’absence même, selon la Cour, et non la cause médicale précise de cette absence qui constitue un événement inhérent à l’exercice normal de l’activité de ce transporteur de sorte que ce dernier doit s’attendre à la survenance de tels imprévus dans le cadre de la planification de ses équipages et des horaires de travail de son personnel.

Le fait que le membre de l’équipage concerné avait pleinement satisfait aux examens médicaux réguliers prescrits par la réglementation applicable ne saurait par ailleurs, pour la Cour, remettre en cause cette conclusion, car toute personne peut, à tout moment, être victime d’une maladie ou d’un décès inopinés.