Assurance-vie : La prorogation de la faculté de renonciation inapplicable en cas de mauvaise foi

La faculté de renonciation à un contrat prévue par le code des assurances ne constitue plus un droit discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi est à présent exigée s’il s’agit d’une personne avertie pour que cela ne dégénère pas en abus de droit, a jugé la cour de cassation.
En cause, deux contrats d’assurance sur la vie de droit luxembourgeois d’un montant de 1,5 million d’euros chacun par apport de titres, souscrit le 11 juin 2008, par le directeur financier du fonds d’investissement Wendel, Gérard Lamy, et son épouse, auprès de la société Fortis Luxembourg vie, devenue Cardif Lux vie après son rachat par BNP Paribas, sans que l’information précontractuelle conforme à l’article L. 132-5-2 du code des assurances ne leur ait été donnée.
Après la chute des marchés boursiers mi-septembre 2008 suite à la faillite de Lehman Brothers et un rachat partiel de 344 500 euros le 1er mars 2009, les époux Lamy ont notifié, le 15 octobre 2010, à l’assureur leur volonté d’exercer la faculté de renonciation prévue aux articles L. 132-5-1 et 132-5-2 pour tenter d’effacer leurs pertes boursières. Le quatrième alinéa de ce second article dispose en effet que « le défaut de remise des documents et informations prévus […] entraîne, pour les souscripteurs de bonne foi, la prorogation du délai de renonciation […] jusqu’au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu ».
L’assureur n’ayant pas donné suite à cette demande, ils ont demandé et obtenu chacun devant les juges du fond la restitution du reliquat de 1,16 million d’euros ainsi que les intérêts majorés sur cette somme aux motifs qu’il n’y avait pas lieu « de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance ».
La deuxième chambre civile de la cour de cassation
Directeur financier de la maison Wendel, M. Lamy peut en effet être aisément considéré un professionnel averti de haut niveau pour être l’auteur d’un montage défiscalisant complexe dit « d’intéressement » pour le premier cercle des dirigeant du fonds d’investissement Wendel et « la faculté de renonciation prévue par le code des assurances [qui] est un droit discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise, qu’il soit averti ou profane » ne peut dégénérer, tranche la cour de cassation dans cet arrêt constituant un revirement de jurisprudence, en « abus ».
Au regard de la situation concrète des époux Lamy et de leur qualité d’assurés avertis ou profanes et des informations réellement reçues, il appartient aux juges du fond, considère la Haute juridiction, de rechercher « la finalité de l’exercice [du] droit de renonciation et s’il n’en résult[e] pas l’existence d’un abus de droit ». L’affaire devra être rejugée par la cour d’appel de Lyon.