Responsabilité décennale : 16 ans pour l’indemnisation d’une maison "fissurée"

Après quatre expertises et plus de seize ans de procédure, le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion a condamné la filiale luxembourgeoise de la Caisse d'assurances mutuelles du Crédit agricole (CAMCA), qui porte dans ce dossier la double casquette d’assureur dommages-ouvrage et d’assureur décennal, à payer 504 500 euros à un médecin urgentiste toulousain, Stéphane Alberola, pour la construction d’une maison à Saint-Gilles-les-Bains, dans l’île paradisiaque de La Réunion, qui a viré au cauchemar et l’a « ruiné ». Débouté au titre de son « préjudice immatériel », il interjette appel et demande le dépaysement.
L’affaire débute le 21 février 2000 par la signature d’un contrat avec la société Habitat Concept pour la réalisation d’une maison individuelle moyennant la somme de 782 000 francs [un peu moins de 120 000 €], dont les travaux de fondation sont sous-traités à la société Tropic Concept et le contrôle technique étant, lui, assuré par la société Bureau Veritas, étant précisé que le maître d’œuvre et le sous-traitant ont, tous deux, dans les années qui ont suivi, été mis en liquidation judiciaire et il s’agit donc d’une « bataille » entre assureurs.
Des réserves au nombre de 31 sont émises lors de la réception de l’ouvrage qui aura lieu le 5 mars 2001 et peu de temps après, des « désordres de type fissurations » se manifestent dans « différents endroits de la maison » qui conduiront à la désignation d’un premier expert, Louis Daverio, qui rendra un premier rapport le 10 septembre 2003 sur les réserves émises lors de la réception et un second, le 29 mai 2006, qui fait état d’une « déficience des fondations et préconisent une reprise en sous-œuvre des fondations par injection avec l’intervention d’un géotechnicien ».
Un premier jugement d’août 2008
Selon ce quatrième et ultime rapport d’expertise de 167 pages dû à M. Blondeau, qui a duré près de sept ans et qui « ne fait l’objet d’aucune contestation », souligne le tribunal
La CAMCA n’a pas dénié sa garantie tant décennale que dommages-ouvrage mais son appel en garantie contre le Bureau Veritas est écarté car ce dernier n’a « jamais reçu les documents réclamés tels que les plans d’exécution, qu’il a émis certaines réserves suite à ses visites lesquelles n’ont pas été suivies par la société Habitat Concept ». De même, la responsabilité de l’assureur décennal du sous-traitant est aussi écartée dans la mesure où elle ne peut profiter ni à M. Alberola, qui est un tiers au contrat, ni à la CAMCA du fait de la prescription.
Quant aux préjudices immatériels allégués par M. Alberola pour un montant de 721 372,19 euros, la CAMCA assure ne garantir que les seules garanties dommages-ouvrage et décennale, ce qu’approuve le tribunal dans la mesure où « sauf stipulation contraire, et conformément à une jurisprudence constante, [la garantie décennale obligatoire ne s’étend pas] aux dommages immatériels consécutifs aux désordres de l’ouvrage ».
C’est sur ce préjudice jugé « immatériel » par le tribunal et lié à une multitude de frais « nécessaires aux expertises », des engagements, pertes et frais financiers, des pertes locatives et autres frais que M. Alberola a interjeté appel du jugement, chiffré à 579 337,34 euros par M. Alberola et pouvant être « retenu », selon l’expert, à concurrence de 508 531,42 euros. « Nous allons tenter d’obtenir un dépaysement du dossier, nous dit M. Alberola, car il existe une suspicion à l’égard des tribunaux réunionnais ».