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Avocats : Imprescriptibilité de l’action disciplinaire

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Conseil constitutionnel. Conseil constitutionnel.

L’action disciplinaire imprescriptible à l’encontre des avocats est jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui considère que cette « différence de traitement », par rapport aux autres professions juridiques et judiciaires réglementées, repose sur une « différence de situation ». Un manquement commis par un avocat est donc assimilable à un crime contre l’humanité ou autre barbarie inexpiable. Pas certain que ce soit l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme qui sera sans doute sollicité.

Il était en l’espèce reproché par un avocat aux dispositions du premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (rédaction loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques) de ne pas enfermer dans un délai de prescription l'action disciplinaire susceptible d'être engagée à l'encontre d'un avocat, ce qui constituait, pour la robe noire à l’origine de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une rupture d'égalité inconstitutionnelle avec les autres professions judiciaires ou juridiques réglementées pour lesquelles la loi prévoit un tel délai et il était également soutenu que cette absence de tout délai de prescription en matière disciplinaire porterait « atteinte aux droits de la défense ainsi qu'à la sécurité juridique et au droit à la sûreté ». Jérôme Hercé, ancien bâtonnier de Rouen et médiateur de la profession, a vainement appuyé cette argumentation de tout son poids moral.

Selon la disposition critiquée, un avocat ayant manqué à ses devoirs « peut être poursuivi devant le conseil de discipline dont il relève par son bâtonnier ou le procureur général près la cour d'appel », sans que ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'enferment dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire.

Le Conseil1  estime que la faculté reconnue au procureur général ou au bâtonnier de poursuivre un avocat devant le conseil de discipline, quel que soit le temps écoulé depuis la commission de la faute ou sa découverte, « ne méconnaît pas, en elle-même, les droits de la défense » et si les exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 8 de la Déclaration de 1789, impliquent que « le temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction », aucun droit ou liberté que la Constitution garantit n'impose que les poursuites disciplinaires soient « nécessairement soumises à une règle de prescription », qu'il est loisible au législateur d'instaurer.

La profession d'avocat n'est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées, jugent les Sages de la rue de Montpensier pour qui la « différence de traitement », instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription, repose sur une « différence de situation » qui serait en rapport avec « l'objet de la loi » mais qui n’est pas davantage explicitée.

On reste un peu sur sa faim car le commentaire accompagnant chaque décision du Conseil n’est pas (encore) disponible.

 

  • 1Cons. constit., 11 oct. 2018, n° 2018-738 QPC, Pascal D.

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