CEDH : La peine perpétuelle de Pierrot le Fou compatible avec la Convention

Pierre Bodein dit Pierrot le Fou.
Pierre Bodein dit Pierrot le Fou.

La condamnation de Pierrot le Fou à une peine perpétuelle susceptible de n’être réexaminée que 26 ans après son prononcé est parfaitement conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

Pierre Bodein, dit Pierrot le Fou, 67 ans, actuellement détenu au centre pénitentiaire de Moulins (Allier), a été condamné par un arrêt du 11 juillet 2007 de la cour d’assises du Bas-Rhin à la réclusion criminelle à perpétuité pour trois meurtres dont deux commis sur des mineurs de quinze ans précédés ou accompagnés d’un viol, condamnation assortie de l’impossibilité de bénéficier d’aucune des mesures d’aménagement de peine prévues à l’article 132-23 du code pénal (suspension ou fractionnement de la peine, placement à l'extérieur, permissions de sortir, semi-liberté et libération conditionnelle).

La cour de cassation a rejeté le 20 janvier 2010 son pourvoi fondé sur l’absence de motivation et le caractère inhumain et dégradant de sa peine à l'encontre de l’arrêt confirmatif du 2 octobre 2008 de la cour d’assises du Haut-Rhin qui, compte tenu de son état de récidive après sa condamnation en 1996, avait confirmé la condamnation à perpétuité et le fait qu’aucune mesure d’aménagement de peine ne pouvait lui être accordée.

Les conseils de M. Bodein se sont alors tournés vers Strasbourg sur le fondement de l’article 6 §1 relatif au droit à un procès équitable quant à l’absence de motivation de l’arrêt d’assises et de l’article 3 relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants quant à l’absence de la moindre possibilité d’aménagement de peine.

Sur l’un et l’autre point, la CourCEDH, 13 nov. 2014, n° 40014/10, Bodein c/ France. conclut à une non-violation des deux articles invoqués de la Convention par Pierrot le Fou qui a disposé, estime-t-elle, « de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre » pour ce qui est des griefs relevant de l’article 6 §1.

Quant au traitement prétendument inhumain et dégradant de sa condamnation, la Cour relève que le droit français permet un réexamen judiciaire de sa situation et un possible aménagement de peine après une période de trente ans en application de l’article 720-4 du code de procédure pénale et, au cas particulier, après déduction de la période de détention provisoire, c’est en 2034, soit 26 ans après le prononcé de la peine perpétuelle par la cour d’assises, que M. Bodein pourra bénéficier d’un réexamen de sa peine et se voir accorder, le cas échéant, une libération conditionnelle.

Cette possibilité de réexamen en 2034 de la réclusion à perpétuité de M. Bodein est jugée, au regard de la marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière de justice criminelle et de détermination des peines, « suffisante » par la Cour et parfaitement « compatible » avec l’article 3 puisque la peine prononcée est « compressible ».