CEDH : Le non-paiement d'une pension alimentaire ne justifie pas une privation de passeport

L'impossibilité d'obtenir un passeport ou une carte d'identité au motif du non-paiement à son épouse de la pension alimentaire due pour ses enfants constitue une violation de l'article 2 du protocole 4 de la Convention relatif à la liberté de circulation, a jugé la Cour européenne des droits de l'homme.
En l'espèce, un ressortissant italien avait vainement demandé, au mois d'août 2007, au juge compétent l'inscription sur son passeport d'un de ses deux enfants et quelques jours plus tard, un commissaire de police de Naples, en Italie, avait « invalidé » sa carte d'identité et lui avait ordonné de déposer son passeport au commissariat au motif qu'il ne versait pas à son épouse le montant de la pension alimentaire due et qu'il était à craindre qu'en cas de déplacement à l'étranger, il ne se soustraie complètement à son obligation.
Nouvelle demande six mois plus tard, au mois de février 2008, qui fut également rejetée pour le même motif et un recours ne prospéra pas dans la mesure où le non-paiement d'une pension alimentaire constitue, selon l'article 12 de la loi italienne sur les passeports, l'un des motifs légaux de refus de délivrance d'un passeport dans l'intérêt des enfants. Une troisième demande en août 2012 ne remporta guère plus de succès.
M. Battista avait toutefois saisi la Cour dès le mois d'août 2009 pour se plaindre d'une atteinte à sa vie privée et à sa liberté de circulation en soulignant qu'aucune norme « interdit à un parent qui ne paierait pas une pension alimentaire d'avoir un passeport et d'y faire inscrire le nom de ses enfants ».
Certes, relève la Cour
Estimant qu'il existe des moyens légaux pour recouvrer des créances « en dehors des frontières nationales », la Cour tance les juridictions italiennes qui se sont limitées à souligner que M. Battista aurait pu « se rendre à l'étranger avec son passeport et se soustraire ainsi complètement à son obligation ».
Cette application d'une « mesure [à] caractère automatique, sans aucune limitation quant à sa portée et sa durée [sans avoir] procédé à aucun réexamen de la justification et de la proportionnalité de la mesure depuis 2008 [...] sans prise en compte des circonstances propres de l'intéressé » ne peut être qualifiée, tranche la Cour, de « nécessaire dans une société démocratique » pour conclure qu'il y a effectivement eu violation de l'article 2 du protocole 4 de la Convention. Il en coûtera 5 000 euros à la républicaine italienne pour dédommager le préjudice moral du mauvais payeur qui n'a pu se rendre à l'étranger pendant plusieurs années.