CEDH : Le placement en garde à vue d’un avocat assistant un gardé à vue est injustifié

La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir placé un avocat en garde à vue dans un commissariat à la fin de son intervention, en sa qualité d’avocat, d’assistance à un mineur placé en garde à vue.

Appelé lors de la Saint-Sylvestre de 2003 au commissariat d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour assister un mineur placé en gardé à vue, Me Daniel François, un avocat chevronné inscrit au barreau de Paris depuis 1976 et ancien secrétaire de la conférence (1979), souhaitait verser au dossier des observations écrites sollicitant un examen médical ce qui provoqua une vive altercation entre l’officier de police judiciaire (OPJ) de permanence et lui-même.

S’estimant victime du « comportement agressif » de l’avocat, l’OPJ décida alors de le placer en garde à vue et ordonna une fouille à corps intégrale et un test d’alcoolémie qui se révéla négatif. Contestant les déclarations policières, Me François déposa plainte pour contester sa garde à vue et son déroulement mais n’aboutit pas, la cour d’appel confirma l’ordonnance de non-lieu estimant qu’il n’y avait lieu « ni de mettre en doute la version commune des faits avancée par les policiers ni de penser que le substitut du procureur de la République avait été trompé par l’OPJ » et ajoutant que la fouille à corps et le contrôle d’alcoolémie étaient motivés par « l’état d’agitation du requérant mentionné par les policiers et par la nuit de la Saint-Sylvestre propice aux libations ». La cour de cassation rejeta le pourvoi le 20 octobre 2010.

La Cour de StrasbourgCEDH, 23 avr. 2015, n° 26690/11, Daniel François c/ France. constate au cas particulier deux circonstances étranges, Me François intervenait au commissariat en sa qualité d’avocat pour assister une personne gardée à vue et l’OPJ de permanence — se disant personnellement victime du comportement de l’avocat — a elle-même décidé de le placer en garde à vue et de lui imposer « immédiatement non pas de simples palpations de sécurité mais une fouille intégrale » et un contrôle d’alcoolémie qui n’étaient pas justifiés par des « éléments objectifs ».

Il n’existait pas, relève la Cour, à l’époque des faits de réglementation autorisant une fouille allant au-delà des palpations de sécurité et un test d’alcoolémie a été réalisé alors qu’il n’y avait aucun indice indiquant la commission d’une infraction sous l’empire de l’alcool. Contrairement à ce qu’a retenu la cour d’appel de Paris, estime la Cour, « l’état de tension du requérant et la circonstance que l’incident se soit déroulé la nuit de la Saint-Sylvestre, ‘propice aux libations’, ne constituent pas de tels indices ».

Pour la juridiction européenne, le fait de placer Me François en garde à vue et de le soumettre à une fouille intégrale excédait « les impératifs de sécurité et établissait une intention étrangère à la finalité d’une garde à vue » et en conclut que le placement en garde à vue de l’avocat n’était ni justifié ni proportionné et que sa privation de liberté constitue une violation de l’article 5 §1 de la Convention relatif au droit à la liberté et à la sûreté. La France est condamnée à payer 15 000 euros en réparation du préjudice moral.