CEDH : L'obligation de se raser la barbe en prison est contraire à la Convention

Une interdiction absolue de laisser pousser la barbe, indépendamment de toute considération hygiénique, esthétique ou autre, n'est pas proportionnée à l'objectif de défense de l'ordre et de prévention de la criminalité en prison, a jugé la Cour européenne des droits de l'homme.
Purgeant une peine de prison, de novembre 2006 à décembre 2009, dans l'établissement pénitentiaire de Marijampolé, en Lituanie, un condamné n'a pas pu laisser pousser sa barbe car le règlement intérieur l'interdisait, aussi courte et bien entretenue fût-elle.
Rimantas Birzietis formula aux autorités pénitentiaires deux demandes d'autorisation de se laisser pousser la barbe en expliquant qu'il avait subi une radiothérapie pour traiter un cancer de la langue et que le rasage irritait sa peau mais un examen médical ne confirma pas l'existence de ce souci de santé et ses deux demandes furent donc rejetées.
M. Birzietis saisit alors la juridiction compétente, en décembre 2007, qui statua en sa faveur mais la décision fut infirmée, en mars 2009, par la cour administrative suprême au motif qu'il n'était pas démontré qu'il existait « des raisons d'ordre sanitaire ou religieux ou toute autre raison sérieuse qui aurait pu justifier qu'il ne se rasât pas régulièrement [...] cette interdiction pouvait s'expliquer par la nécessité pour les autorités pénitentiaires de pouvoir identifier rapidement les détenus ».
Invoquant l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit au respect de la vie privée, M. Birzietis saisit la Cour, le 31 août 2009, pour se plaindre de l'interdiction qui lui avait été faite et qu'elle avait provoqué chez lui « un sentiment d'humiliation et de désarroi ».
Pour la Cour
Dans le cadre d'un recours similaire formé devant le médiateur constitutionnel, relève par ailleurs la Cour dans cet arrêt qui n'existe qu'en anglais, ce dernier avait conclu que l'interdiction litigieuse ne pouvait se justifier par des impératifs d'hygiène ou par la nécessité d'identifier les détenus et, au cas particulier, l'interdiction ne semblait pas concerner, constate la Cour, d'autres formes de pilosité faciale, comme les moustaches ou les favoris, ce qui lui laisse craindre que l'interdiction s'appliquant uniquement à la barbe « ait un caractère arbitraire » qu'elle condamne dans la mesure où « le droit d'exprimer sa personnalité et son identité » est protégé par l'article 8.