Prisons : La France condamnée pour la qualité des soins à un détenu handicapé

Le maintien en détention d'un handicapé n'est pas en soi constitutif d'un traitement inhumain et dégradant, a jugé la cour européenne des droits de l'homme, mais compte tenu de son handicap, « l'insuffisance des soins de rééducation qui lui ont été dispensés et l'inadaptation des locaux à son handicap » constituent, elles, une violation de l'article 3 de la Convention relatif à l'interdiction de traitements inhumains et dégradants.
En l'espèce, un ressortissant algérien, détenu depuis septembre 2014 au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne (Vienne), purge une peine de trente ans de réclusion criminelle pour des faits d'assassinat, de tentative d'assassinat et de violence. C'est en mars 2006, écroué à Nancy (Meurthe-et-Moselle), qu'il fit une chute de plusieurs mètres lors d'une tentative d'évasion et se fractura la colonne vertébrale entraînant une paraplégie des membres inférieurs et une incontinence urinaire et anale.
Arguant que les locaux, en particulier sanitaires, n'étaient pas adaptés à son handicap, que les soins de kinésithérapie étaient insuffisants et qu'il devait se faire assister par un détenu mis à sa disposition pour sa toilette, une suspension de peine pour raison médicale avait été vainement demandée, le 12 août 2010, au juge de l'application des peines. Demande rejetée le 3 février 2011 par le tribunal de Limoges et le 3 mai 2011 par la cour d'appel de Limoges, le pourvoi fut également rejeté le 31 août 2011.
C'est ainsi que la cour de Strasbourg a été saisie le 23 novembre 2011 d'une requête invoquant l'article 3 de la Convention compte d'un « handicap lourd » incompatible ave un maintien en détention constituant « un traitement inhumain et dégradant ».
Il incombe à l'État vis-à-vis d'un détenu malade, rappelle liminairement la Cour
Au cas particulier, le maintien en détention en détention fondé, de surcroît, sur deux expertises médicales concordantes n'est pas « en soi contraire à l'article 3 », juge la Cour, mais, en revanche, s'agissant de la qualité des soins, « les autorités nationales n'ont pas fait tout ce qu'on pouvait exiger d'elles pour offrir à M. Helhal la rééducation dont il avait besoin ».
M. Helhal n'a pas pu bénéficier de séances de kinésithérapie de 2009 à 2012 et depuis cette date, il ne bénéficie seulement que d'une courte séance hebdomadaire, souligne la Cour qui juge, s'agissant des conditions de détention, que « l'assistance d'un co-détenu, dont bénéficie M. Helhal pour faire sa toilette en l'absence de douches aménagées pour les personnes à mobilité réduite, ne suffit pas à satisfaire à l'obligation de santé et de sécurité qui incombe à l'État ».
Si le maintien en détention ne viole pas l'article 3, en conclut la Cour, l'absence ou l'insuffisance de soins et la nécessité de se faire aider d'un co-détenu pour prendre ses douches l'ont soumis à « un niveau de souffrance dépassant celui qui est inhérent à une privation de liberté » et c'est ce qui constitue une violation de l'article 3. Il lui est alloué 7 000 euros en réparation de son préjudice moral et 4 000 euros pour ses frais et dépens.