Doctrine fiscale : Application de l’interprétation de l’administration annulée

Les dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales permettent à un contribuable de se prévaloir d’une interprétation de l’administration fiscale annulée dès lors que le fait générateur de l’imposition est antérieur à la date de l’annulation de l’acte illégal, selon un avis rendu par le Conseil d’État.

À l’origine de cet avis, la cour administrative d’appel de Bordeaux qui s’interrogeait sur le point de savoir si l’interprétation formelle de la loi fiscale, exprimée notamment dans une instruction, circulaire ou réponse ministérielle publiées, est affectée par l’annulation pour excès de pouvoir d’une instruction administrative de même contenu ? Et dans l’affirmative, comment concilier ses effets avec les dispositions de l’article L. 80 A en vertu desquelles un contribuable est fondé à se prévaloir de la doctrine en vigueur à la date du fait générateur de l’impôt ?

L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose en effet que : 

« Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. 
Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ».

Ces dispositions, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi, instituent, rappelle la haute juridiction administrativeCE, avis, 8 mars 2013, n° 353782, Florence Monzani, J.O., n° 65, 17 mars 2013, p. 4709, n° 18.« un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit ».

Pour le Conseil d’État, en dépit de l'effet rétroactif qui s'attache normalement à l'annulation pour excès de pouvoir, les dispositions de cet article permettent à un redevable, alors même que serait ultérieurement intervenue l'annulation par le juge de l'acte, quel qu'il soit, par lequel elle avait été exprimée, de se prévaloir à l'encontre de l'administration de l'interprétation qui, dans les conditions prévues par l'article L. 80 A, était formellement admise par cette dernière. Mais, bien évidemment, lorsqu’il s’agit d'une imposition dont le fait générateur est postérieur à la date de l'annulation d'un acte renfermant une interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, « cette annulation a, en revanche, pour effet de priver le redevable de la possibilité de se prévaloir de cet acte au titre de la garantie que donne l'article L. 80 A ».