FCP : Sanction de 1,5 M€ pour LBP pour avoir incité le rachat de fonds garantis

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé une sanction pécuniaire de 1,5 million d’euros à la banque postale (LBP) pour avoir fait procéder au rachat anticipé de parts des fonds Progressio et Progressio 2006.
LBP a commercialisé les fonds communs de placement (FCP) Progressio et Progressio 2006 à compter du 1er avril 2005 et du 20 janvier 2006 respectivement et dont l’échéance respective était les 16 janvier 2014 et 15 janvier 2015. L’objectif de ces deux FCP était, selon leur prospectus, via la technique dite « d’assurance de portefeuille » (CPPI pour, en anglais, « constant proportion portofolio insurance »), de participer « à l’évolution des marchés actions, obligataires et monétaires sur un horizon de 8 ans, par la gestion dynamique de l’allocation entre les risques risqués et non risqués, tout en garantissant le capital net investi à maturité ».
L’évolution très défavorable des marchés en 2008 a entraîné la valeur liquidative de ces deux FCP en territoire négatif avec une baisse de 15 à 30 % à fin 2011 par rapport à la valeur initiale de souscription, générant une première alerte de l’AMF quant à l’approche commerciale de la banque qui, le 5 décembre 2011, s’est engagée, selon la notification des griefs, à imposer à « ses conseillers, lorsqu’un client envisageait le rachat anticipé de ses parts, de le mettre en garde sur la perte de la garantie, de l’inciter à conserver ses parts jusqu’à l’échéance, de trouver dans la mesure du possible une solution alternative lui permettant de renoncer à sa demande de rachat, de lui communiquer le niveau de la baisse de valorisation prévisible, déterminée sur la base de la dernière valeur liquidative connue rapportée à la valeur liquidative garantie, et de lui indiquer que le rachat serait soumis au prélèvement d’une commission de rachat ».
Cet engagement n’a pas été tenu et la notification des griefs porte justement sur « l’insuffisance des informations communiquées aux clients lors d’une demande de cession de parts […] avant la date d’activation de la garantie » et le caractère « inapproprié du conseil délivré par LBP de céder les parts de ces FCP avant la date d’activation de la garantie », outre le fait que LBP n’a pas conservé les enregistrements permettant de retracer les services d’investissement fournis aux clients.
LBP a reconnu au cours des investigations du gendarme de la bourse qu’après le 5 décembre 2011, 502 souscripteurs ont cédé leurs parts avant l’échéance et ont réalisé une perte certaine et immédiate estimée à un montant total de 524 000 euros. L’examen par l’AMF d’un échantillon de 50 clients sur ces 502 — qui ont procédé au rachat de leurs parts entre le 1er janvier 2012 et 31 décembre 2013 — a révélé que, dans 56 % des cas, ils n’étaient avertis ni du fait que la cession prématurée des parts emportait la perte du bénéfice de la garantie, ni du caractère certain de la perte en capital compte de la forte décote des valeurs liquidatives des fonds, ni de l’évaluation du montant de cette perte et, dans 98 % des cas, au moins une de ces trois informations faisait défaut.
Dans cette décision rendue mardi et susceptible de recours, la commission des sanctions souligne que ces deux fonds étaient destinés à des personnes physiques « sans compétence particulière en matière d’investissement et qui ne souhaitaient pas prendre un risque de perte en capital » et qu’il convenait donc de les éclairer. Sur l’échantillon de 50 clients examiné par les contrôleurs, un seul contient les informations requises relatives à la perte de la garantie et à l’évaluation de la baisse de la valorisation, 17 la première information, un la seconde et 28 aucune des deux, 3 ayant été écarté pour avoir initié le processus de rachat avant le 1er janvier 2012.
Pour l’AMF, la banque n’a pas agi « de manière professionnelle servant au mieux l’intérêt des clients, en violation des dispositions de l’article L. 533-11 du code monétaire et financier et de l’article 314-3 du règlement général » et le premier manquement reproché à LBP est caractérisé.
Quant au second manquement, consistant à recommander de céder les parts des fonds conduisait le client à enregistrer une perte en capital et à abandonner un gain qu’il aurait obtenu de manière certaine s’il les avait conservées jusqu’à la date d’activation de la garantie, il est tout aussi caractérisé dans la mesure où le conseil est inapproprié ou inadapté dans plus de 6 cas sur 10.
Pour sa décharge, LBP faisait valoir qu’elle n’a jamais reçu, directement ou via l’AMF, la moindre réclamation de la part d’un client ayant procédé au rachat anticipé de parts de ces deux fonds mais il n’en demeure pas moins que la commission des sanctions a considéré que les deux premiers manquements sont d’une « particulière gravité » pour infliger une sanction pécuniaire d’un million et demi d’euros à LBP qui a été incapable d’assurer « le respect de l’intérêt de ses clients » alors même qu’elle avait été alertée en décembre 2011.
Créée le 1er janvier 2006 par filialisation des services financiers (Centre de chèques postaux et Caisse nationale d’épargne) de la Poste, elle-même une administration publique devenue en 2010 une société anonyme (SA) à capitaux exclusivement publics (73,68 % pour l’État français et 26,32 % pour la Caisse des dépôts et consignations), la banque postale a réalisé un produit net bancaire (PNB) de 5,74 milliards d’euros à fin 2015 et un résultat net de 707 millions d’euros.