Financière Rembrandt : L’AMF met fin à l’interdiction définitive d’exercer de Cyrille Vernes

Cyrille Vernes relevé de son interdiction définitive d'exercer.
Cyrille Vernes relevé de son interdiction définitive d'exercer.

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a mis fin hier à « l’interdiction à titre définitif d’exercer l’activité de gestion pour le compte de tiers » qui avait été prononcée le 12 février 2002 par son ancêtre, la Commission des opérations de bourse (COB), à l’encontre de Cyrille Vernes, l’héritier de la prestigieuse dynastie de banquiers, à qui il était reproché, en sa qualité de président de la défunte Financière Rembrandt, plusieurs manquements graves et répétés qu'il impute à son directeur général.

Dans sa décision du 12 février 2002, pour retenir sa responsabilité en tant que président de la société Financière Rembrandt et prononcé une interdiction à titre définitif d’exercer l’activité de gestion pour le compte de tiers, la COB avait en effet estimé constitués les manquements de « non-respect du principe de l’autonomie de gestion […], en permettant [d’une part] la réalisation massive d’investissements pour le compte de fonds ou de clients gérés dans une société […] dont M. Vernes était administrateur, sur la base de documents comptables dont l’analyse révélait qu’elle connaissait des difficultés financières, [méconnaissant ainsi] gravement l’obligation de prévention des conflits d’intérêts et de gestion dans l’intérêt exclusif des mandants ou porteurs de parts [et, d’autre part] l’exercice cumulé par une même personne de fonctions au mépris des exigences relatives à la séparation des activités de gestion pour compte de tiers et pour compte propre, [méconnaissant également] l’obligation de prévention des conflits d’intérêts », des « graves fautes commises dans la gestion des actifs des fonds communs de placement [qui ont conduit M. Vernes à manquer] gravement […] à l’obligation de diligence que sont tenus de respecter les professionnels »,  des « dépassements répétés, importants et persistants des ratios de composition de l’actif des OPCVM […] caractérisant une politique de gestion systématique en violation des règles de division des risques qui assurent la protection des investisseurs », des « sur-investissements réalisés dans les actions [méconnaissant] gravement […] les règles prudentielles […] relatives à la composition de l’actif d’un OPCVM et […] l’obligation de promouvoir les intérêts des porteurs de parts ou d’actions d’OPCVM » et, enfin, la « fourniture, dans des proportions importantes, de services d’investissement en libre prestation de services » en violation de la procédure applicable au moment des faits qui prévoyait notamment que « toute société de gestion de portefeuille qui […] souhaite pour la première fois fournir des services d’investissement dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit notifier son projet à la [COB] en indiquant le nom de l’État concerné et en précisant la nature des services qu’elle envisage de fournir et précise que la société de gestion de portefeuille communique, à la demande de la [COB], tous renseignements sur les modalités d’exercice de ses activités en libre prestation de services ».

Pour déterminer la sanction infligée à M. Vernes, la COB a pris en compte, rappelle l’AMF, « la gravité des fautes commises, notamment en laissant réaliser des investissements qui se sont avérés contraires aux intérêts des mandants ou des porteurs de parts, dans une société dont il était administrateur et en permettant un non-respect répété et systématique des règles prudentielles, notamment dans la division des risques qui a compromis la sécurité des actifs gérés pour le compte des investisseurs ». Le recours dont a été saisi le Conseil d’État à l’encontre de cette décision par M. Vernes a été rejetéCE, 28 déc. 2005, n° 244878, Cyrille Vernes c/ Commission des opérations de bourse (COB). au motif que « le nombre et la gravité des griefs légitimement retenus […] étaient de nature à justifier la sanction ». Non satisfait, M. Vernes a poursuivi son chemin de croix en saisissant la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 6 §1 de la Convention, laquelle a constatéCEDH, 5e sect., 20 janv. 2011, n° 30183/06, Cyrille Vernes c/ France. une triple violation procédurale de l’article 6§1 précité en raison de « l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé le requérant de solliciter la tenue de débats publics devant la COB », de « l’impossibilité […] d’avoir connaissance de l’identité des personnes composant la formation de la COB qui a prononcé la sanction » et de « la présence du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement qui s’est prononcée sur le recours de M. Vernes devant le Conseil d’État ». M. Vernes réclamait, factures justificatives à l’appui, le remboursement d’une somme de 189 857,57 euros au titre des frais irrépétibles — dont 54 291,90 euros pour les frais et honoraires exposés devant la Cour de Strasbourg et 135 565,67 euros pour ceux exposés devant les organes et juridictions internes —, jugée très « excessive » et il ne lui a été alloué « que » 15 000 euros.

Appauvri mais ragaillardi par cette décision qui le conforte dans sa conviction d’avoir été « mal jugé » en 2002, M. Vernes a écrit, le 30 juin 2011, au président de l’AMF pour lui demander de « revoir » sa décision ou de l’ « autoriser » à exercer à nouveau sa profession compte tenu du délai écoulé mais la demande fait l’objet d’un rejet, le 14 février 2012, faute de « texte organisant une procédure de réexamen ou de relèvement des sanctions prononcées par la COB ou par la commission des sanctions de l’AMF » que le Conseil d’État censurera par une décision du 30 juillet 2014 et, le 2 octobre 2014, le président de l’AMF transmet alors, conformément à la décision du Conseil d’État, au président de la commission des sanctions le courrier de M. Vernes du 30 juin 2011.

La joie de M. Vernes sera toutefois de courte durée. La commission des sanctions rejette en effet, le 19 juin 2015, la demande de M. Vernes aux motifs que « la poursuite de l’exécution de la sanction ne méconnaissait pas les exigences de la CSDH » et les autres éléments invoqués tels que « les différentes décisions de justice intervenues entre le 5 mai 2003 et le 25 juin 2009, le temps écoulé et son comportement depuis le prononcé de la sanction par la COB, ne constituaient pas des éléments nouveaux devant être pris en considération par la commission des sanctions ». Un recours contre cette décision a été rejeté le 9 mars 2016 par le Conseil d’État.

Par un ultime recours en date du 18 avril 2018, M. Vernes a formulé une demande de relèvement de la sanction prononcée par la COB et il y est finalement fait droit comme le permettent les dispositions des articles R. 621-41-1 et suivants du code monétaire et financier créés par le décret n° 2017-865 du 9 mai 2017 relatif au relèvement de sanctions prononcées par l'Autorité des marchés financiers qui a donc été à présent satisfaite en relevant toutefois qu’elle est fondée sur le fait que M. Vernes, 70 ans, « n’entend plus exercer une activité professionnelle en France » et qu’il cherche à « remédier aux conséquences négatives de l’interdiction sur son activité à l’étranger, notamment en Suisse », expliquant que sa démarche est « principalement » faite pour son fils, Alexis, qui dirige la société Vernes & Associés qu’il a créée en 1982 et dont il est encore administrateur.

M. Vernes obtient donc finalement gain de cause et pour que nul ne l’ignore, la publication de la décision non anonymisée est ordonnée pendant une durée de cinq ans sur le site du gendarme de la bourse.