Manipulation de cours : Sanction de 20 M€ pour Morgan Stanley

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé une sanction pécuniaire de 20 millions d’euros à la filiale britannique de la banque américaine Morgan Stanley pour avoir « manipuler », le 16 juin 2015, le cours de 14 obligations assimilables du Trésor (OAT) français et 8 obligations linéaires belges (OLO), ainsi que le cours d’un contrat à terme sur OAT.
Les faits remontent, selon la décision rendue mercredi dernier et diffusée hier, au 16 juin 2015 lorsque, entre 9h29 et 9h44, le desk « European Governement Bonds » de Morgan Stanley & Co International, basé à Londres, a acquis, de « façon agressive » sur le marché réglementé allemand de produits dérivés (Eurex), 1 890 contrats à terme (29 % du volume total de ces 15 minutes, générant un hausse de près de 60 ticks en passant de 144,84 à 145,41) sur des obligations souveraines françaises (Future sur OAT, ou FOAT) et 9 284 sur des obligations allemandes. Dès 9h44, les traders de Morgan Stanley ont ensuite cédé, sur plusieurs plateformes électroniques, 17 OAT différentes pour un montant total de 815 millions d’euros et 8 OLO pour un montant total de 340 millions d’euros, entraînant une suspension des transactions pendant quatre minutes et une « liquidité […] réduite pendant près d’une heure ».
La commission des sanctions a estimé que Morgan Stanley avait fixé à un « niveau anormal et artificiel » le cours du FOAT échéance septembre 2015 négocié sur Eurex, ainsi que le cours de 14 des 17 OAT et des 8 OLO, jugeant que les acquisitions de FOAT avaient pour seuls objectifs d’influencer à la hausse le cours du sous-jacent et d’entraîner une « hausse anormale et artificielle » du cours des OAT et des OLO, par la pratique dite de « pump et dump ».
Ces agissements, considère la commission, constituent une « manipulation de cours par recours à une forme de tromperie ou d’artifice », dès lors que l’acquisition de FOAT était, selon le gendarme boursier, « incohérente avec la stratégie globale » du desk European Governement Bonds et avait pour effet de « donner aux intervenants une image biaisée de l’état du marché des instruments obligatoires souverains français ».
Morgan Stanley conteste cette décision et a annoncé qu’elle forme un recours. La banque ayant en effet fait vainement plaider que les transactions litigieuses ont « obéi à un intérêt légitime, dans le cadre d’un dénouement d’une position déficitaire prise par le Desk, et ont été effectuées selon un mode opératoire cohérent avec cet intérêt légitime et conforme aux pratiques de marché ».
Pour arrêter le montant de la sanction pécuniaire à 20 millions d’euros, la commission précise avoir tenu compte de la « gravité des manquements de manipulation de cours retenus, qui ont eu des conséquences négatives sur le bon fonctionnement de MTS France : suspension des contributions des spécialistes en valeurs du Trésor durant 4 minutes et réduction significative de la liquidité offerte sur le marché durant une période de 50 minutes », ces manquements, ajoute-t-elle, ayant également occasionné un « préjudice aux autres intervenants sur ce marché, qui ont acquis des OAT et des OLO auprès de Morgan Stanley à un niveau anormalement et artificiellement élevé, préjudice qui est le corollaire en l’espèce de l’économie de pertes réalisée » par la banque américaine qui a enregistré un résultat net de 892 millions de dollars pour l’exercice clos à fin décembre 2018.