Œuvres d’art : Luc Mazet et sa société Signatures interdits d’exercer pendant 10 ans

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé une sanction pécuniaire de 50 000 euros à Luc Mazet, outre une interdiction d’exercer pendant dix ans pour sa société et lui-même pour ne pas avoir respecté « la réglementation protectrice des investisseurs » en leur qualité d’intermédiaires en biens divers pendant la période de janvier 2014 à février 2016.
Créée en 2008, Signatures, ex-Artecosa, une société contrôlée à concurrence de 99,9 % par Luc Mazet, exploite une libraire dans le 6e arrondissement de Paris, rue Jacob, ayant pour activité principale l’achat et la vente de lettres, manuscrits, documents autographes et photographies anciennes, et à ce titre, elle propose, directement ou via un réseau de conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et conseillers en investissement financier (CIF), d’ « acquérir une œuvre d’art ou une collection d’œuvres d’art […] dans des conditions [leur] permettant de procéder à un investissement intéressant ».
Aux termes d’un « contrat de vente assorti d’un contrat de garde », de « conditions générales de vente » et d’un « bon de commande » concoctés par M. Mazet, apprend-on dans la décision rendue mardi qui est susceptible d’appel, Signatures s’engage, moyennant 3 % de frais de garde, 1 % de frais d’expertise et 1 % de frais d’assurance, « à constituer puis à céder à l’acheteur une "collection d’œuvres" [non déterminée à la date de signature de la commande, ndlr] pour un fixé dans le contrat de vente correspondant au montant que souhaite investir le client ».
Signatures constitue la collection, dans un délai compris entre 60 et 90 jours, en sélectionnant des œuvres issues de ses stocks ou en les acquérant aux enchères ou directement auprès de confrères spécialisés et la cède au client qui se voit remettre un document intitulé « descriptif de votre collection » listant les œuvres et leur prix mais qu’il peut refuser et en cas de deuxième refus, les parties sont déliées de tout engagement contractuel. Jusqu’à fin décembre 2015, les contrats étaient également assortis d’une « promesse de vente » selon laquelle Signatures avait la possibilité de racheter la collection à un prix égal au prix de vente « majoré de 7,5 % par année de garde et de conservation si le dépôt [avait] une durée au moins de 5 années pleines et entières ». Pendant la période considérée du 1er janvier 2014 au 29 février 2016, 650 clients ont souscrit cette offre pour un montant total de 25 millions d’euros. La société est en procédure de sauvegarde depuis le 23 janvier 2018 et jusqu’au 23 janvier 2019.
Il était reproché à Signatures et à son dirigeant de ne pas avoir déposé auprès de l’AMF ses projets de documents d’information et de contrat type et d’avoir diffusé à ses clients et prospects des « communications à caractère promotionnel [ne] présentant [pas] un contenu exact, clair et non trompeur et permettant raisonnablement de comprendre les risques afférents au placement », outre un défaut d’inventaire des biens, des sommes perçues, du rapport d’activité et de gestion des biens,…
Luc Mazet a lui-même aussi la qualité d’intermédiaire en biens divers, retient la commission des sanctions, car il est le concepteur de l’offre commercialisée par sa société en sa qualité de fondateur et dirigeant actionnaire majoritaire, il a personnellement participé à sa commercialisation, en contribuant à l’organisation du réseau de CGP et de CIF mandatés pour proposer l’offre et il a animé des « rencontres régionales » au cours desquelles étaient diffusées des communications à caractère promotionnel.
La diffusion d’informations inexactes et trompeuses porte sur le fait qu’il était mis en exergue que la collection était cédée au client au prix du marché tel que résultant de l’expertise alors que ces œuvres « avaient été précédemment acquises par Artecosa pour un montant entre 1,5 et 4 fois moins élevé que le prix payé par le client ». De même, il était abusivement indiqué que la revalorisation annuelle de 7,5 % à l’issue d’une période de cinq ans était « garantie » par une « garantie bancaire » et que les œuvres étaient assurées « contre tous les risques ».
La gravité des manquements est renforcée, juge la commission des sanctions, par le fait que les informations inexactes et trompeuses contenues dans la communication à caractère promotionnel litigieuse portent sur des éléments déterminants, tels que la personne en charge de l’expertise, la nature des garanties dont bénéficient les clients et la valorisation des œuvres mais compte tenu d’un résultat net négatif de 1,01 million d’euros pour un chiffre d’affaires de 1,46 million d’euros au titre de l’exercice 2017 et de sa mise sous sauvegarde de justice, il ne lui est pas infligé de sanction pécuniaire et écope d’une interdiction d’exercer l’activité d’intermédiaire en biens divers pendant une durée de dix ans. Même sanction pour son dirigeant avec, en plus, une sanction pécuniaire de 50 000 euros et une publication de la décision sans anonymisation.