Amiante : L'annulation de la mise en examen de Martine Aubry va être réexaminée

Martine Aubry. DR.

La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction de Paris qui avait annulé neuf mises en examen, dont celle de l'ancienne ministre Martine Aubry, dans l'information suivie sur plaintes avec constitution de partie civile de plusieurs victimes de l'amiante des chefs d' « empoisonnement, voie de fait ayant entraîné la mort, homicides involontaires, coups et blessures involontaires, et abstention délictueuse de porter secours ».

Pour annuler la mise en examen de Mme Aubry et de huit autres, la cour de ParisParis, ch. instr., 17 mai 2013, Martine Aubry et a. c/ ministère public. avait retenu que le maintien de l' « usage contrôlé » de l'amiante avait été décidé au regard des connaissances médicales de l'époque et d'un contexte international marqué par des politiques différentes. Et s'agissant de Martine Aubry qui fut à la direction des relations du travail de 1984 à 1987 et d'Olivier Dutheillet de Lamothe qui lui succéda de 1987 à 1995, la cour avait relevé à leur décharge qu'ils avaient été à l'initiative de plusieurs textes et mesures tendant « à assurer la protection des travailleurs de l'amiante » et que leur appartenance au CPA (Comité permanent amiante) créé en 1982« ne constituait pas un indice grave ou concordant d'une imprudence ou d'une négligence de leur part ».

C'est au visa de l'article 593 du code de procédure pénale qui impose à la chambre de l'instruction de motiver ses décisions que la chambre criminelle de la Cour de cassationCrim. 10 déc. 2013, n° 13-83915, Jessie Gueenens et a. c/ Martine Aubry et a. relève les contradictions dont était entaché l'arrêt critiqué. L' « usage contrôlé » de l'amiante, constate la cour suprême, a été mis en place par le décret du 17 août 1977 et a été maintenu jusqu'au décret d'interdiction du 24 décembre 1996 alors que :

  • l'amiante a été classé comme agent cancérogène pour l'homme par le Centre international recherche sur le cancer depuis 1977,
  • et que la conférence de Montréal a indiqué, en 1982, que les valeurs limites d'exposition ne protégeaient pas du risque du cancer.


La France s'était par ailleurs opposée :

  • en 1986, à la proposition de l'Agence américaine de protection de l'environnement d'interdire l'amiante,
  • et, en 1991, au projet de directive de la Commission européenne tendant, à l'initiative de l'Allemagne, à une interdiction globale.


Dans l'un et l'autre cas, selon la Cour de cassation, le CPA, à l'origine de la position soutenue par la France, défendait de manière « très active » l' « usage contrôlé » de l'amiante dont, pourtant, « il ne contestait pas le caractère cancérogène ». Martine Aubry aura donc vraisemblablement à s'expliquer sur ce dossier qui, dans l'immédiat, est renvoyé à la chambre de l'instruction de Paris autrement composé pour qu'il soit statué, à nouveau, sur ces mises en examen.