On se rappellera qu’après de multiples péripéties et rebondissements, Bernard Tapie, brillant dépeceur d'entreprises et éphémère ministre de la ville (hiver 1992-93), avait obtenu, en 2008, un peu plus de 400 millions d’euros au terme d’un rocambolesque arbitrage mené par Pierre Mazeaud, professeur d’universités, Jean-Denis Bredin, avocat, et Pierre Estoup, magistrat, arbitrage jugé par la suite frauduleux et annulé par la cour de Paris en 2013 pour manque d’impartialité de Pierre Estoup, ouvrant la voie au volet pénal où a été attrait l’avocat du groupe Tapie, Maurice Lantourne.
La décision attaquéeParis, ch. 2-14, 24 nov. 2021, n° 164/2021, ministère public c/ Pierre Estoup et a., rendue après le décès de Bernard Tapie survenu le 3 octobre 2021, avait notamment condamné Pierre Estoup pour escroquerie, Maurice Lantourne pour escroquerie et complicité de détournement de biens publics, Jean-François Rocchi, président du CDR, et Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l’économie de l’époque Christine Lagarde (elle-même condamnée à ce titre pour « négligence » par la Cour de justice de la République), pour complicité de détournement de biens publics et relaxés au titre de l’escroquerie au motif qu’ils n’avaient pas « connaissance du caractère frauduleux de l’arbitrage ».
C’est cette relaxe au titre de l’escroquerie que vient de censurer la chambre criminelle de la Cour de cassationCrim., 28 juin 2023, n° 21-87417, Pierre Estoup et a. pour exactement les mêmes motifs que la cour d’appel a retenus pour l’infraction de complicité de détournement de biens publics, c’est-à-dire, d’une part, « les concessions accordées par M. Rocchi à Bernard Tapie dissimulées au conseil d’administration de la société CDR, au président et au conseil d’administration de l’EPFR et à l’Agence des participations de l’État, [qui] de par leur nombre et leur importance, ne peuvent être mises sur le compte d’une simple négligence, mais ne peuvent que résulter d’un choix délibéré et orienté de gestion personnelle du contentieux qui s’écartait de la défense des intérêts de la société CDR et des finances publiques pour venir favoriser la partie adverse » et, d’autre part, « les actes de M. Richard ne peuvent être considérés comme de la simple négligence, du fait de leur caractère délibéré, répété et déterminant pour la poursuite du processus délictuel, mais ne peuvent que résulter de l’intention d’agir, à propos du contentieux litigieux, à l’encontre des intérêts qu’il aurait dû défendre, pour favoriser la partie adverse […] en agissant clandestinement, à l’insu parfois de la ministre dot il était pourtant le directeur de cabinet, [Stéphane Richard] a démontré la parfaite connaissance qu’il avait du caractère anormal de ses actes » et, enfin, de troisième part, en contribuant de manière décisive au renoncement de la société CDR à l’exercice d’un recours contre la sentence arbitrale, au mépris des intérêts de cette société et des finances publiques qu’ils étaient chargés de défendre, MM. Rocchi et Richard ont « délibérément apporté leur aide à la partie adverse qui a pu ainsi recevoir une somme d’environ 403 millions d’euros en exécution d’un arbitrage frauduleux ».
Sur ce point, l’affaire sera donc rejugée par la cour de Paris autrement composée qui aura également à réexaminer la qualité de partie civile de l’Agent judiciaire de l’État critiquée par la juridiction suprême au motif que les préjudices susceptibles d’avoir été subis par l’État n’ont pas pour cause directe les infractions poursuivies mais sont la conséquence de la garantie des dettes des sociétés CDR et CDR créances par l’EPFR.