Cerfa : Les activités de Demanderjustice.com ne sont ni représentation ni assistance

Cour de cassation.

Coup dur pour le Conseil national des barreaux (CNB) et l’Ordre des avocats de Paris en ce début de printemps. Rejet mardi de leurs pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui, 365 jours plus tôt exactement, les avait déboutés de leurs demandes après relaxe du fondateur de Demanderjustice.com, Jérémy Oinino, du chef d’exercice illégal de la profession d’avocat.

Jérémy Oinino, dirigeant de la société Demander Justice, a créé, rappelle la chambre criminelle de la Cour de cassation, deux sites internet, permettant aux justiciables, moyennant le règlement d’un prix forfaitaire, adapté à la prestation choisie, de faire envoyer à leur adversaire une mise en demeure à partir d’un modèle correspondant à l’objet du litige, qu’ils complètent en ligne avec les informations utiles, puis, le cas échéant, de faire saisir un tribunal d’instance ou de proximité, ou un conseil de prud’hommes, la société se chargeant d’envoyer au greffe de la juridiction compétente une déclaration signée électroniquement et accompagnée des pièces justificatives.

Cité devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal de la profession d’avocat, il a été renvoyé des fins de la poursuite et les deux parties civiles, le CNB et le barreau de Paris, ont été déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts.

Sur l’appel du ministère public et des deux parties civiles, la cour d’appel de ParisParis, ch. 5-12, 21 mars 2016, n° 14/04307, ministère public, Conseil national des barreaux (CNB) et Ordre des avocats de Paris c/ Jérémy Oinino. a abondé [/jurisprudence/droit-penal/justice-en-ligne/relaxe-confirmee-pour-le-responsable-de-demanderjusticecom] dans le sens des premiers juges en relevant que les déclarations de saisine des juridictions sont établies et validées informatiquement par le client lui-même, qu’elles sont à son seul nom et comportent sa seule signature, que s’il s’agit d’actes judiciaires emportant saisine d’une juridiction, il n’est nulle part mentionné que la société agirait pour le compte et au nom des personnes, que le nom de cette société n’apparaît nulle part dans ce document, ni même d’ailleurs, son logo, ne permettant même pas de rechercher un mandat tacite, et qu’en réalité, son rôle est purement matériel, permettant la transmission informatique des documents numériques à un centre de traitement postal, puis, après impression et mise sous pli, leur envoi physique au greffe de la juridiction, étant observé que la question de la validité de la signature électronique est totalement indifférente, dès lors que l’on ne voit pas en quoi l’irrégularité de cette dernière au regard du code de procédure civile pourrait conférer un quelconque mandat ad litem à la société.

Un logiciel libre et des modèles Cerfa ne constituent pas l'assistance juridique que peut prêter un avocat

S’agissant de la mission d’assistance, telle qu’entendue par l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il n’était pas allégué, selon les juges du fond, que la société ait assisté ou même accompagné un de ses clients à l’audience et que la seule mise à disposition par cette société à ses clients de modèles-types de lettres de mise en demeure par contentieux, d’un logiciel libre, édité par le ministère de la justice, permettant de déterminer par défaut la juridiction territorialement compétente correspondant au domicile du défendeur, et de modèles Cerfa de déclarations de saisine des juridictions, ne saurait constituer l’assistance juridique que peut prêter un avocat à son client, à défaut de prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait qui lui est personnelle pour y appliquer ensuite la règle de droit abstraite correspondante.

Approbation de la chambre criminelle de la Cour de cassationCrim., 21 mars 2017, n° 16-82437, Ordre des avocats de Paris et Conseil national des barreaux c/ Jérémy Oinino. qui confirme que « les activités litigieuses ne constituent ni des actes de représentation, ni des actes d’assistance [... réservés] aux avocats devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit ». La honte ! Dans d'autres pays, ils ne s'accrocheraient pas à leurs privilèges et démissionneraient. Ici, ils s'accrochent aux branches et espèrent bien inverser la vapeur au civil mais la première manche est déjà perdueTGI Paris, 11 janv. 2017, Conseil national des barreaux (CNB) Ordre des avocats de Paris c/ société Demander Justice. et les raisons d'espérer sont infinitésimales.