Escroqueries en bande organisée : L'église de scientologie dit vouloir saisir la Cour de Strasbourg

La cour de cassation a rejeté les pourvois de l'église de scientologie et de ses dirigeants à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui les avait condamnés notamment pour escroqueries en bande organisée à des peines d'emprisonnement avec sursis et des amendes.

Après une instruction qui a duré plus de dix ans, Alain Rosenberg, Sabine Jacquart, Didier Michaux, Jean-François Valli, l'association spirituelle église de scientologie-celebrity centre (l'église) et la société scientologie espace librairie (la librairie) avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroquerie en bande organisée au préjudice de Mme Malton, M. Aubry et de la société Parangon pour des faits commis entre septembre 1997 et octobre 1999 consistant à recourir « systématiquement à des tests de personnalité dépourvus de valeur scientifique et analysés dans la seule perspective de vendre des services ou divers produits » aux victimes en les persuadant « être en mesure de résoudre leurs prétendues difficultés psychologiques, de favoriser leur épanouissement personnel ou [...] d'identifier et de résoudre [des] besoins en formation professionnelle » alors que les animateurs du centre de scientologie et de ses satellites avaient pour seul but« d'obtenir la remise des fonds que les victimes ont été déterminées à verser ».

À Aline Fabre, il était par ailleurs reproché un exercice illégal de la pharmacie pour avoir participé à la vente de produits qualifiés de « vitamines » qui relèvent du monopole pharmaceutique. Sabine Jacquart et Alain Rosenberg étaient également poursuivis au titre de la complicité de ce délit.

L'arrêt de la cour de ParisParis, ch. 4-11, 2 févr. 2012, Aline Fabre et a. c/ ministère public et a., objet du pourvoi, avait retenu la culpabilité de tous les prévenus et condamné Alain Fabre à 10 000 euros pour exercice illégal de la pharmacie, Alain Rosenberg et Sabine Jacquart à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros pour complicité d'exercice illégal de la pharmacie et escroqueries en bande organisée, l'église à 400 000 euros d'amende et la librairie à 200 000 euros. Quant à Didier Michaux et Jean-François Valli, ils avaient écopé de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende. L'ordre des pharmaciens avait obtenu des dommages-intérêts mais la plainte de l'Unadfi (Union nationale des associations pour la défense des familles et de l'individu) avait été jugée irrecevable, ce que confirme la cour de cassation en rejetant également son pourvoi, approuvant la cour d'appel qui avait retenu qu'elle ne justifie « d'aucun préjudice personnel résultant directement des infractions poursuivies ».

À l'audience du 4 septembre dernier, l'église avait fait plaider une atteinte à la liberté religieuse mais pour l'avocat général, les faits à l'origine de la condamnation constituaient des infractions à la loi pénale et avait recommandé le rejet du pourvoi.

Dans son arrêt de 82 pages, la chambre criminelle de la cour de cassationCrim. 16 oct. 2013, n° 12-81532, Aline Fabre et a. c/ ministère public et a.reprend méthodiquement chacun des 9 moyens de cassation soulevés par les prévenus pour les écarter un à un assez brièvement, approuvant en tous points les motifs retenus par les juges du fond.

La cour suprême rappelle ainsi que la cour d'appel a retenu à bon droit que les manœuvres frauduleuses ont consisté à proposer « un "test de personnalité" sans aucune valeur scientifique, conçu pour donner de mauvais résultats dont la communication était suivie de propositions de cours, de ventes de services et d'ouvrages censés résoudre les difficultés ainsi décelées », les victimes étant incitées « par des pratiques commerciales particulièrement offensives, à remettre, dans de brefs délais, des sommes importantes, sans aucune mesure avec leurs ressources réelles » entraînant « de gravevs conséquences sur leur situation personnelle ».

La circonstance aggravante de la bande organisée, approuve la cour de cassation, se trouve justifiée par l'existence « d'un dispositif destiné à obtenir des fonds de la part de personnes conditionnées par les résultats négatifs des tests de personnalité et mis en place, à des degrés divers, par plusieurs intervenants, qui se sont répartis les initiatives et les rôles auprès des victimes, prises en charge dès leur arrivée à l'association ».

L'église de scientologie a aussitôt annoncé, dans un communiqué, son intention de porter l'affaire devant la cour européenne des droits de l'homme,« loin des pressions de l'exécutif », où le débat judiciaire pourra se dérouler, indique-t-elle, « sur le terrain du droit [...] dans un espace dépassionné et sensible au respect des droits fondamentaux ». Classée en France parmi les sectes par plusieurs rapports parlementaires, elle est en effet considérée comme une religion aux États-Unis — avec d'illustres représentants comme Tom Cruise ou John Travolta — et dans plusieurs pays européens (Espagne, Italie, Pays-Bas, Suède,...).