Frais irrépétibles : L'article 800-2 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale.

L'article 475-1 ouvre à la partie civile la faculté de demander au juge que la personne condamnée lui verse une indemnité au titre de ses frais irrépétibles, essentiellement des frais de l'avocat qui a assuré sa défense et l'article 800-2 ouvre la possibilité à une juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement d'accorder à la personne poursuivie qui en fait la demande une indemnité mise à la charge de l'État ou de la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique. 

Il était soutenu que les conditions dans lesquelles la personne poursuivie mais non condamnée peut obtenir le remboursement des frais exposés dans la procédure sont plus restrictives que celles qui permettent à la partie civile d'obtenir de la personne condamnée le remboursement de ces mêmes frais.

Le ConseilCons. constit. 21 ot. 2011, n° 2011-190, Bruno L. et société Hachette Filipacchi Associés. rappelle liminairement qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu'elle a exposés en vue de l'instance mais les Sages admettent que« la faculté d'un tel remboursement affecte l'exercice du droit d'agir en justice et les droits de la défense ».

S'agissant de l'article 475-1 applicable devant le tribunal correctionnel, la juridiction de proximité, le tribunal de police et la chambre des appels correctionnels, il se borne, relève le Conseil, à prévoir que la partie civile peut obtenir de l'auteur de l'infraction une indemnité au titre des frais de procédure qu'elle a exposés pour sa défense et « il ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit », est-il dès lors jugé.

Quant à l'article 800-2, il permet à la juridiction d'instruction ou de jugement statuant par une décision mettant fin à l'action publique de faire supporter par l'État ou la partie civile une somme au titre des frais non pris en compte au titre des frais de justice que la personne poursuivie mais non condamnée a dû exposer pour sa défense. En prévoyant que cette somme est à la charge de l'État ou peut être mise à celle de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement non par le ministère public mais par cette dernière, le législateur s'est fondé, estime le Conseil, « sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet de la loi ».

En encadrant les conditions dans lesquelles l'État peut être condamné à verser à la personne poursuivie mais non condamnée une indemnité au titre des frais qu'elle a exposés, les dispositions de l'article 800-2 n'ont pas méconnu l'équilibre des droits des parties dans la procédure pénale, selon le Conseil. 

Mais lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, les dispositions de l'article 800-2 réservent à la seule personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement la possibilité de demander une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense, ce qui prive l'ensemble des autres parties appelées au procès pénal qui, pour un autre motif, n'ont fait l'objet d'aucune condamnation de la faculté d'obtenir le remboursement de tels frais et c'est en cela que les dispositions de l'article 800-2 du code de procédure pénale « portent atteinte à l'équilibre du droit des parties dans le procès pénal » et sont contraires à la Constitution.

Relevant que l'abrogation de l'article 800-2 du code de procédure pénale aura pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus à la personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement, le Conseil constitutionnel reporte au 1er janvier 2013 la date de l'abrogation de cet article pour permettre au législateur« d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité ».