Liberté d'expression : Non-lieu confirmé pour une journaliste infiltrée au Front national

Bienvenue au front, journal d'une infiltrée, de Claire Checcaglini.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi du Front national (FN) à l’encontre du non-lieu dont avait bénéficié Claire Checcaglini de la part des juges du fond pour son ouvrage « Bienvenue au Front, journal d’une infiltrée » dans la mesure où « ses agissements […] se sont inscrits dans le cadre d’une enquête sérieuse, destinée à nourrir un débat d’intérêt général sur le fonctionnement » du parti frontiste.

Claire Checcaglini, 35 ans, journaliste indépendante, avait fait usage d’un faux nom et d’une fausse qualité confortés par la création de faux profils sur Facebook et sur Copains d’avant avant d’adhérer à la fédération des Hauts-de-Seine du FN pour en comprendre les rouages. Pendant plusieurs mois, elle va assister aux réunions, assemblées, actions de propagande et participe activement à la vie du mouvement en gagnant la confiance des cadres et des militants, ce qui lui permettra de prendre des responsabilités au sein du parti et on lui proposera même, avec insistance, de porter les couleurs du parti aux prochaines élections législatives, d'abord à Neuilly puis à Paris.

Placée au cœur du mouvement de Marine Le Pen, elle sera le témoin de conflits internes, de discussions ouvertement racistes et belliqueuses allant bien au-delà de l'apparence respectable que le parti veut donner, sans oublier les stratégies diverses et variées échafaudées pour remporter l'élection à laquelle le FN participe.

Dans un journal minutieusement tenu pendant huit mois jusqu'en janvier 2012, peu avant l'échéance de mai, la militante espionne raconte la vie d'un mouvement politique à l'aube d'une élection présidentielle, l’ouvrage intitulé « Bienvenue au Front, journal d’une infiltrée » (Jacob-Duvernet, fév. 2012, 306 p.) ne sera pas du goût du FN qui porte plainte avec constitution de partie civile du chef d’escroquerie.

Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, la chambre de l’instruction retient que Mme Checcaglini n’a pas cherché à « nuire au Front national, [elle] a eu pour seul objectif d’informer et avertir ses futurs lecteurs en rapportant des propos tenus au cours de débats ou d’échanges informels, dans le but de mieux faire connaître l’idéologie de ce parti ».

Et pour la chambre criminelle de la cour de cassationCrim. 25 oct. 2016, n° 15-83774, association Front national c/ Claire Checcaglini., l’arrêt n’encourt pas la cassation dès lors qu’il se déduit de ses énonciations que « les agissements dénoncés se sont inscrits dans le cadre d’une enquête sérieuse, destinée à nourrir un débat d’intérêt général sur le fonctionnement d’un mouvement politique, de sorte que, eu égard au rôle des journalistes dans une société démocratique et compte tenu de la nature des agissements en cause, leur incrimination constituerait, en l’espèce, une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ».