Pétain sauveur des juifs : Zemmour repassera devant ses juges pour les propos tenus en 2019

La Cour de cassation a cassé l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Paris qui avait relaxé le polémiste d’extrême droite Éric Zemmour et actuel président du micro-parti Reconquête du chef de « contestation de crime contre l’humanité » concernant des propos glorifiant Pétain et tenus sur CNews au mois d’octobre 2019.

Au cours de l’émission « Face à l’info »  du 21 octobre 2019, en direct sur la chaîne CNews, dans un face-à-face avec Bernard-Henri Lévy, ce dernier avait en effet rappelé au polémiste invétéré qu’il avait un jour dit « une chose terrible », que Philippe Pétain avait « sauvé les juifs […] français ». « C’est une monstruosité, c’est du révisionnisme », avait vainement asséné BHL et ce à quoi avait répliqué Zemmour, non sans un certain aplomb dont il est coutumier, « c’est encore une fois le réel ».

Face à l’Info, « Le face-à-face entre Bernard-Henri Lévy et Éric Zemmour », à ≈ 25’30’’, CNews, 21 oct. 2019.

Sur les appels interjetés par les nombreuses associations qui s’étaient constituées parties civiles et par le parquet, la cour de ParisParis, ch. 2-7, 12 mai 2022, ministère public et a. c/ Éric Zemmour. avait confirmé la relaxe prononcée par les premiers juges aux motifs, notamment, que si « les propos [Pétain avait sauvé les juifs français] peuvent heurter les familles de déportés, [ils] n’ont pas pour objet de contester, fût-ce de façon marginale, le nombre des victimes de la déportation ou la politique d’extermination dans les camps de concentration, bien qu’ils remettent en cause les crimes contre l’humanité subis par les juifs français, dont 24 000 personnes ont été arrêtées, déportées et exterminées par les nazis, avec la complicité du gouvernement de Vichy » et que par ailleurs Pétain n’a pas été « poursuivi pour un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal de Nuremberg annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 » même si le maréchal a été reconnu coupable, le 23 avril 1945, par la Haute cour de justice, « d’attentat contre la sûreté intérieure de l’État et d’avoir entretenu des intelligences avec l’ennemi en vue de favoriser ses entreprises en corrélation avec les siennes ».

Pour confirmer la relaxe, les juges d’appel avaient également retenu que l’expression litigieuse fait référence à la thèse défendue par le révisionniste, dans son livre le Suicide Français (Albin Michel, Paris, oct. 2014, 544 p. 22,90 €) et à l’occasion de nombreuses émissions télévisées, selon laquelle la déportation aurait moins touché les juifs de nationalité française que ceux de nationalité étrangère résidant en France du fait d’une « action du maréchal Pétain en leur faveur ».

Au visa des articles 24 bis de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse qui réprime la contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité et 593 du code de procédure pénale  concernant l’insuffisance ou la contradiction des motifs de la décision attaquée, la chambre criminelle de la Cour de cassationCrim., 5 sept. 2023, n° 22-83959, ministère public et a. c/ Éric Zemmour. casse et annule l’arrêt contesté aux motifs, d’une part, qu’il est « indifférent que Philippe Pétain n’ait pas été condamné pour un ou plusieurs crimes tels qu’ils sont définis à l’article du statut du tribunal militaire international » car l’article 24 bis n’exige pas que les crimes contre l’humanité contestés aient été « exclusivement commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle […], soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale », il suffit que les personnes désignées les aient décidés ou organisés, peu important que leur exécution matérielle ait été, partiellement ou complètement, le fait de tiersCrim., 24 mars 2020, n° 19-80783. et, d’autre part, à la fin de l’échange, le prévenu a répliqué « c’est encore une fois le réel », reprenant à son compte les propos selon lesquels Pétain avait « sauvé les juifs français » et la Haute juridiction confesse ne pas comprendre en quoi cette affirmation devait être comprise comme se « référant à des propos plus mesurés » exprimés précédemment par le négationniste. L’affaire sera rejugé par la cour de Paris autrement composée.