Avant de redevenir avocat en juin 2012, Philippe Bessis était chirurgien-dentiste, syndicaliste et directeur de publication du site syndicatdentaire.fr et du blog veritesdentaires.fr. Outre des procédures disciplinaires qui ont abouti à sa radiationCh. disc. nat. ordre chirurgiens-dentistes, 24 oct. 2011, n° 1781 CE, Philippe-Rudyard Bessis et Syndicat professionnel dentistes solidaires et indépendants c/ Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris et Conseil national des chirurgiens-dentistes. de l’ordre des chirurgiens-dentistes et à sa réinscription au barreau de Paris, M. Bessis était poursuivi pour avoir mis en ligne, le 5 février 2010, sous le titre « Ordre, argent et méthodes douteuses », une lettre ouverte au président du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes Christian Couzinou faisant notamment état d’une condamnation amnistiée en ces termes : « […] ce n’est pas tant que votre condamnation par le tribunal correctionnel de Paris, le 15 septembre 2006, pour vos agissements délictueux, ne vous ait servi de leçon ».
Le tribunalTGI Paris, 17e ch., 21 janv. 2011, n° 1009908286, conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes c/ Philippe Bessis et a. avait estimé n’y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par le prévenu quant au c) de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lui faisant interdiction de prouver la vérité d’un fait diffamatoire lorsque l’imputation se réfère à « un fait constituant une infraction amnistiée ». Sur le fond, les propos poursuivis n’ont pas été jugés diffamatoiresTGI Paris, 17e ch., 12 janv. 2012, n° 1009908286, conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes c/ Philippe Bessis et a. et c’est donc à l’occasion de l’appel interjeté par l’ordre des chirurgiens-dentistes que M. Bessis a posé la même QPC devant la cour d’appel qui, cette fois, l’a transmise à la cour de cassation qui, elle-même, l’a transmise au conseil constitutionnelCrim. 19 mars 2013, n° 12-90075, Philippe Bessis et a., estimant qu’elle présentait un « caractère sérieux » et susceptible d’être contraire aux articles 11 (liberté d’expression) et 16 (principe du procès équitable et droits de la défense) de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
L’issue de cette QPC était d’autant plus attendue et d’actualité que, le 16 mai dernier, la première chambre civile de la cour de cassationCiv. 1re, 16 mai 2013, n° 11-28252, Patrick Devedjan c/ société Participation ouvrière Nice-Matin et a. a jugé que « le rappel de condamnations amnistiées est interdit sous peine de sanction pénale » à l’occasion de la mise en ligne, en décembre 2009, d’articles reprenant une ancienne coupure de presse de 1965 évoquant « l’été varois agité de Patrick Devedjan et d’Alain Madelin ».
C’est donc dans ces circonstances que le juge constitutionnel a eu à examiner la disposition litigieuse et d’emblée, les SagesCons. constit., 7 juin 2013, n° 2013-319 QPC, Philippe Bessis, J.O., n° 132, 9 juin 2013, p. 9632, n° 19. soulignent que les dispositions concernant l’amnistie, la prescription de l’action publique, la réhabilitation et la révision n’ont pas, par elles-mêmes, pour objet « d’interdire qu’il soit fait référence à des faits qui ont motivé une condamnation amnistiée, prescrite ou qui a été suivie d’une réhabilitation ou d’une révision ou à des faits constituant une infraction amnistiée ou prescrite ».
L’interdiction prescrite par le c) de l’article 35 de la loi de 1881, qui vise sans distinction, poursuit le Conseil constitutionnel, « tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s’inscrivent dans un débat public d’intérêt général », porte à la liberté d’expression « une atteinte qui n’est pas proportionnée au but poursuivi » et est dès lors inconstitutionnelle.
Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au jour de la publication [9 juin 2013] de cette décision au Journal officiel.