Toulouse : L'arrêt AZF cassé pour défaut d'impartialité d'un des trois magistrats

Bernard Brunet (C), Michel Huyette (G) et Maryse Le Men Régnier (D). DR.

La cour de cassation a cassé l'arrêt AZF pour « un doute raisonnable, objectivement justifié, sur l'impartialité » de l'un des trois juges de la cour d'appel de Toulouse (Haute-Garonne) et, en outre, la condamnation pour destruction involontaire par explosion n'est pas justifiée en droit, estime la juridiction suprême qui a décidé de renvoyer le dossier à la cour d'appel de Paris pour y être rejugé.

Les magistrats toulousainsToulouse, 3e ch. corr., 24 sept. 2012, n° 2012/642, ministère public et a. c/ Serge Biechlin, société Grande Paroisse et a. avaient déclaré coupables — onze ans après l'explosion survenue sur le site de l'usine chimique AZF entraînant la mort de 31 personnes et infligeant moult blessures à de nombreuses victimes et causant d'importants dommages immobiliers — la société Grande Paroisse, une filiale du groupe pétrolier Total, et le chef d'établissement, Serge Biechlin, d'homicides et blessures involontaires et de dégradations involontaires.

Il s'est révélé après coup que l'un des trois magistrats chargés de juger l'affaire, Maryse Le Men Régnier, était vice-président de l'Inavem (Institut national d'aide aux victimes et de médiation) depuis le mois de juin 2011 et qu'au cours du procès, qui a duré du 3 novembre 2011 au 16 mars 2012, l'Inavem a conclu, le 10 décembre 2011, une convention avec la Fenvac (Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs) qui était partie civile et qui avait pour objet de faire des deux signataires des« partenaires privilégiés ».

Le premier président de la cour d'appel de Toulouse, Dominique Vonau, avait estimé que l'appartenance de Mme Le Men Régnier à une fédération d'associations d'aide aux victimes ne constituait pas « un obstacle à sa participation à la formation de jugement  ». Ce n'est pas l'avis de la chambre criminelle de la cour de cassationCrim. 13 janv. 2015, n° 12-87059, société Paroisse et a. qui souligne que la convention a été conclue« alors que les débats étaient en cours devant la cour d'appel » et qu'elle a pour objet « de formaliser les relations entre les deux fédérations et d'affirmer leur reconnaissance réciproque et leur volonté de travailler ensemble sur tout sujet relatif aux droits des victimes, mais également lors de la survenance d'événements collectifs et d'attentats ».

« Si l'adhésion d'un juge à une association [...] n'est pas, en soi, de nature à porter atteinte à la présomption d'impartialité dont il bénéficie, il en va autrement en l'espèce, estime la cour de cassation, en raison des liens étroits, traduits par la convention du 10 décembre 2011, noués entre les deux fédérations, dont l'une était partie civile dans la procédure et l'autre avait pour vice-président l'un des juges siégeant dans la formation de jugement », d'autant, souligne la Haute juridiction, que les autres parties au procès n'ont pas été avisées de cette situation alors que ces éléments étaient de nature « à créer, dans leur esprit, un doute raisonnable, objectivement justifié, sur l'impartialité de la juridiction ».

Sur le fond, petite leçon de droit au visa de l'article 322-5 du code pénal selon lequel, pour la cour de cassation, le délit de destruction ou dégradation involontaire d'un bien par explosion ou incendie ne peut être constitué qu'en cas de « manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » alors que l'arrêt censuré se réfère « implicitement »à des fautes de « maladresse, imprudence, inattention ou négligence » et ne caractérise pas l'existence d'un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.