État d'urgence : Le pouvoir du préfet d’instaurer des zones de protection jugé inconstitutionnel

Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution la possibilité offerte au préfet par le 2° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence de pouvoir instaurer par arrêté, dans les départements où s’applique l’état d’urgence, « des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ».
Plusieurs associations reprochaient à ces dispositions de permettre aux préfets d’instituer des zones de protection ou de sécurité sans que la création de ces zones soit subordonnée à des circonstances ou à des menaces particulières ni que les mesures de réglementation du séjour dans ces zones soient définies et encadrées, ce qui constituait, selon elles, « une violation de la liberté d’aller et de venir, du droit au respect de la vie privée, du droit de mener une vie familiale normale, du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, ainsi qu’une méconnaissance par le législateur de sa compétence de nature à affecter ces droits et libertés ».
Si la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence, rappelle le Conseil
L’instauration d’une zone de protection ou de sécurité, prévue par les dispositions contestées, ne peut être ordonnée par le préfet dans le département, relève le Conseil, que lorsque l’état d’urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans les circonscriptions territoriales couvertes par celui-ci. L’état d’urgence, quant à lui, peut être déclaré, en vertu de l’article 1er de la loi du 3 avril 1955, « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».
Le législateur, déplore toutefois le Conseil, n’a soumis la création d’une zone de protection ou de sécurité à « aucune autre condition » et il n’a pas, non plus, défini « la nature des mesures susceptibles d’être prises par le préfet pour réglementer le séjour des personnes à l’intérieur d’une telle zone et n’a encadré leur mise en œuvre d’aucune garantie ».
La conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et la liberté d’aller et de venir n’ayant pas été assurée, le 2° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 est déclaré contraire à la Constitution avec effet immédiat pour des motifs qui sont fort proches de ceux qui avaient été retenus