Justice : La dépendance du parquet jugée conforme à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la fin de la phrase de l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature qui place les magistrats du parquet « sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».
Cette soumission du parquet au garde des sceaux était contestée à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union syndicale des magistrats (USM), rejointe par le Syndicat de la magistrature (SM) et Force ouvrière magistrats, qui reprochait à cette dépendance de méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, découlant de l'article 64 de la Constitution, dans la mesure où les magistrats du parquet sont placés sous la subordination hiérarchique du garde des sceaux alors que ces magistrats appartiennent à l'autorité judiciaire et devraient bénéficier à ce titre, au même titre que les magistrats du siège, de la garantie constitutionnelle de cette indépendance. Il était également reproché à cet article 5 de méconnaître le principe de séparation des pouvoirs, dans des conditions affectant le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Le Conseil constitutionnel
Pour les Sages, il résulte de ces dispositions que la Constitution consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle « le libre exercice de leur action devant les juridictions » mais cette indépendance doit toutefois être « conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège ».
Le Conseil procède ensuite à un contrôle de la manière dont le législateur a mis en œuvre, pour la définition des relations entre le garde des sceaux et les magistrats du parquet, cette « exigence de conciliation entre le principe d'indépendance des magistrats du parquet et les prérogatives du gouvernement ».
L'autorité du garde des sceaux sur les magistrats du parquet se manifeste, relève le Conseil, notamment par l'exercice de son pouvoir de nomination (art. 28 de l’ordonnance de 1958) et de sanction (art. 66) ainsi que par des instructions générales de politique pénale (art 30 c. proc. pén.), au regard notamment de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République « l'égalité des citoyens devant la loi » qu’il appartient au ministère public, selon les articles 39-1 et 39-2 du même code, de mettre en œuvre.
Toujours selon le même article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles et en vertu de l'article 31, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu et l'article 33 lui permet de développer librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. L'article 39-3 confie par ailleurs au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée et c’est en application de l’article 40-1 qu’il décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.
Pour le Conseil constitutionnel, l’ensemble de ces dispositions assurent « une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution » et l’article 5 contesté ne méconnaît donc pas, non plus, la séparation des pouvoirs.
Ce n’est pas l’avis de la Cour européenne des droits qui considère que les magistrats du parquet français « ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de "magistrat" au sens de l'article 5 §3 de la Convention »